Publié le 11-03-2007 à 12h23 (mis à jour le 14-08-2017 à 11h33.)
Ce projet est né de la nécessité de relier de manière commode le quartier fortement urbanisé de la Croix-Rousse (40 000 habitants à l’époque de l’ouverture de la ligne) au centre-ville de Lyon pour faciliter les nombreux échanges économique de cette « colline qui travaille ». Or les deux quartiers, quoique très proches à vol d’oiseau, sont séparés par un dénivelé de plus de 80 mètres. Ce relief particulièrement marqué se traduit par des pentes très raides. Cette géographie ingrate rendait donc la circulation extrêmement difficile et très coûteux le transport des marchandises. N’oublions pas qu’à cette époque, la traction des véhicules – hors chemin de fer – est exclusivement animale. Les pentes d’accès à la Croix-Rousse sont donc des obstacles extrêmement pénalisants. Preuve supplémentaire de l’impérieuse nécessité de cette liaison, elle a été une installation pionnière de la forme moderne des chemins de fer funiculaires tels qu’on les connaît maintenant.
Deux ingénieurs, Messieurs Molinos et Pronier ont donc l’idée d’utiliser un système de chemin de fer dont la traction est assurée par un câble entraîné par une machinerie à vapeur. Ceci permettant de garantir un temps de parcours de l’ordre de 3 minutes. Compte-tenu du nombre de passagers attendus, les véhicules sont à impérial. Chacune des deux rame de 3 voiture pouvant charger 324 passagers.
Le projet a été conçu avant que ne soit voté la loi sur les chemins de fer d’intérêt local, aussi la concession est accordée directement par l’État à Messieurs de Polligny et consorts pour une durée de 90 ans à compter de l’achèvement des travaux par décret impérial du 26 mars 1859. Le 27 juillet 1860, est créée officiellement la Compagnie du chemin de fer de Lyon à la Croix-Rousse qui devient rétrocessionnaire de la concession par décret du 4 août 1860.
Les travaux sont engagés dès le 5 mars 1860. La nouveauté de ce type d’installation suscite l’intérêt jusqu’au plus haut niveau de l’État, et l’empereur Napoléon III viendra visiter le chantier. Du fait de cette nouveauté, l’installation est soumise à des tests poussés avant sa mise en service, et notamment sur ses systèmes de freinage de sécurité mis au point très récemment. Ce test échoue à cause du poids trop élevé des caisses à impérial. L’une des rames ira endommager la gare basse, causant plus de 40 000 francs de dégâts. Il est donc décidé de « décapiter » le matériel roulant et, après la réussite de nouveaux essais, les installations sont inaugurées le 1er juin 1862, puis ouvrent au public le 3 juin 1862.
Cependant, les voitures, toujours très lourdes, endommagent la voie. Elles sont remplacées dès 1864.
Ce funiculaire est un succès considérable. D’autant que dès le 30 juillet 1863, la Compagnie du Chemin de Fer de Lyon à Sathonay a établie sa gare juste de l’autre côté du boulevard de la Croix-Rousse. Cette compagnie réussi à convaincre les autorités de contrôle de laisser franchir à niveau par ses trains le boulevard. À partir du 3 septembre 1867, elle fait donc gare commune avec la ficelle. Ainsi, le trafic du funiculaire se monte dès 1863 à 2 millions de passagers et 4 millions en 1880.
De 1898 à 1904, l’OTL rachète progressivement les actions de la Compagnie du chemin de fer de Lyon à la Croix-Rousse et l’intègre de facto dans son réseau. Cette intégration est approuvée par décret le 29 juillet 1905, qui entérine le traité d’affermage de l’installation à l’OTL par la Compagnie. Cette même année, le matériel roulant est une nouvelle fois changé. Il faut en revanche attendre encore 10 ans et 1915 pour voir l’électrification de la machinerie. Une dernière modernisation intervient en 1938, avec un changement de caisses sur le matériel roulant.
Du fait de sa concession à la Compagnie du chemin de fer de Lyon à la Croix-Rousse et de son exploitation par l’OTL par le biais d’une convention d’affermage, cette ligne n’est pas intégrée au patrimoine du syndicat du réseau des Transports en Commun de la Région Lyonnaise au 1er janvier 1942. Ceci alors que les recettes d’exploitation de la ligne sont partagées entre l’OTL et le syndicat. L’État reste donc l’autorité concédante. Cette situation va conduire à une situation administrative complexe à l’échéance de la concession le 26 mars 1951, d’autant qu’à cette date, l’État ne reconnaît pas encore le syndicat des TCRL, syndicat mixte en avance sur son temps car ayant des compétences que la législation n’autorisera à ce type de structures par décret que le 30 septembre 1953. Après plusieurs années de tergiversations administratives invisibles du public, puisque l’exploitation se poursuit, l’État met formellement le funiculaire à disposition de la ville de Lyon par une convention signée le 24 juillet 1961 et approuvée par arrêté le même jour. La ville de Lyon délègue alors l’exploitation à l’OTL.
En 1952 la ville de Lyon fait couvrir la tranchée longeant le jardin des plantes pour y agrandir la cour de l’école primaire des Tables Claudiennes.
Dès le début des années 1960, l’avenir du funiculaire est en question. Une partie des équipements sont encore d’origine et sont à renouveler pour assurer un service intensif fiable. À cela s’ajoute la question de la constitution d’un réseau cohérent avec la création prévue du métro auquel il sera plus facile de raccorder le funiculaire de Croix-Paquet dont la rénovation est déjà envisagée. Ainsi, en juin 1966 le service de contrôle des chemins de fer préconise dans un rapport de fermer le funiculaire de la rue Terme et de transformer le funiculaire de Croix-Paquet en chemin de fer à crémaillère.
L’installation justifiant d’une grande révision et son usage déclinant progressivement, le syndicat des TCRL, enfin reconnu par l’État par un arrêté du 14 février 1966, décide lors du comité syndical du 28 septembre 1967 d’interrompre définitivement l’exploitation le 31 décembre 1967. Anecdotiquement, le câble de traction ayant atteint sa limite d’usure, il a été remplacé par un neuf quinze jours avant la fermeture de la ligne. Ce câble a été récupéré lors de la fermeture et mis en réserve pour un futur remplacement sur le funiculaire de Croix-Paquet. Sur ordre du maire de Lyon, Louis Pradel, le démantèlement du funiculaire est entrepris immédiatement, malgré les réserves du service de contrôle désavoué ensuite très rapidement par le préfet. L’époque étant au développement de la voiture, la plateforme est réutilisée dans l’année, après démolition de la gare haute, pour faire une voie routière d’accès rapide à sens unique montant entre la Presqu’Île et la Croix-Rousse.
Fréquentation de la ligne durant sa dernière décennie de fonctionnement :
Année | Nombre de voyageurs |
---|---|
1957 | 1 820 330 |
1958 | 1 599 318 |
1959 | 1 456 687 |
1960 | 1 190 736 |
1961 | 1 023 402 |
1962 | 950 710 |
1963 | 897 883 |
1964 | 827 200 |
1965 | 748 167 |
1966 | 668 209 |
1967 | 731 107 |
Étrangement, après l’arrêt de l’installation et le début de son démantèlement, le syndicat des TCRL, lors de la séance du comité syndical du 8 février 1968, demande à être substitué à l’État en tant qu’autorité concédante du funiculaire. L’objectif était alors de visiblement pour les collectivités locales de récupérer les terrains appartenant à l’État sans bourse déliée. L’État n’a pas donné suite à cette manœuvre.
La ligne est finalement déclassée en 1972, ce qui permet l’aliénation de ses emprises qui sont cédées à la communauté urbaine (nouvelle voie routière), à la ville de Lyon (création d’une maison de retraite sur le boulevard de la Croix-Rousse), au syndicat des TCRL (conservation des sous-stations électriques existantes en gares hautes et basse pour alimenter le réseau de trolleybus) et à la poste pour les équipements du central téléphonique au-dessus de l’ancienne gare basse.
Références juridiques :
« N° 6498 – Décret impérial qui approuve une Convention relative à l’établissement et à l’exploitation d’un chemin de fer de Lyon à la Croix-Rousse : 26 mars 1859 », Bulletin des lois de l’Empire Français, Paris, Imprimerie Impériale, série XI, vol. 13, n° 691, 1859, p. 698 – 709.
« N° 10111 – Décret impérial portant autorisation de la société anonyme formée à Paris sous la dénomination de Compagnie du chemin de fer de Lyon à la Croix-Rousse : 4 août 1860 », Bulletin des lois de l’Empire Français, partie supplémentaire, Paris, Imprimerie Impériale, série XI, vol. 15, n° 675, 1860, p. 218 – 231.
« N° 46961 – Décret approuvant le Traité d’affermage du Chemin de fer de Lyon à la Croix-Rousse à la Compagnie des omnibus et tramways de Lyon : 29 juillet 1905 », Bulletin des lois de la République Française, Paris, Imprimerie Nationale, série XII, vol. 72, n° 2692, 1905, p. 953 – 959.
« Délibération n°643, Cessation de l’exploitation du Funiculaire de La rue Terme », Comité du syndicat des transports en commun de la région lyonnaise, 28 septembre 1967.
« Délibération n°659, Funiculaire de Lyon (rue Terme) à la Croix-Rousse, Substitution du syndicat à l’État comme autorité concédante », Comité du syndicat des transports en commun de la région lyonnaise, 8 février 1968.