Ferro-Lyon

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Faillite au SyTRAL ?

Publié le 02-02-2008 à 12h07

La question peut sembler provocante, et pourtant est-elle si incongrue qu’elle en a l’air ? Pour bien en comprendre les enjeux, un retour en arrière s’impose. Vers le début des années 1980, le syndicat des TCRL (ancien nom du SyTRAL) décide de lancer la construction de la ligne D du métro. Ce faisant, il lance une opération qui va faire exploser son endettement. Il faut dire que pour cette ligne les choix les plus coûteux sont fait. Les franchissements du Rhône et de la Saône sont réalisés par un tunnelier fort onéreux pour des raisons esthétiques, là où on avait choisi de faire franchir l’obstacle à la ligne A à moindre coût dans le tablier d’un pont. Mais surtout, on a voulu faire de cette ligne une vitrine technologique, avec un pilotage automatique entièrement nouveau. Les conséquences ne se sont pas faites attendre, avec un report de l’ouverture de la ligne pendant que le remboursement des emprunts débutait, et surtout des surcoûts conséquents. Cette ligne et sa construction coûteuse représentent encore actuellement, par le biais des emprunts de longue durée à rembourser, une charge financière non négligeable pour le SyTRAL.

Tout aurait bien été si après l’achèvement de cette ligne l’essentiel des besoins de l’agglomération en matière de transports en commun avaient été satisfaits, car le SyTRAL aurait alors pu cesser tout investissement pendant peut-être 15 ans, le temps de retrouver une marge financière satisfaisante. Or ce n’était pas le cas, car de nombreux secteurs de l’agglomération étaient (et sont parfois encore) mal desservis. L’endettement s’est donc poursuivi pour prolonger le métro (lignes D à Vaise, B à Gerland) Cependant, dès les années 1990, il était évident que les gros investissements nécessaires si l’on voulait connecter tous les secteurs de l’agglomération au métro étaient insupportables pour les finances du syndicat. C’est dans ce contexte que l’idée de faire renaître le tramway est apparu. Au tournant des années 2000, le SyTRAL a ainsi pu financer deux lignes de grande longueur pour un prix inférieur à 2 kilomètre de métro. Pourtant, tous ces travaux, même de montant modeste ou au moins bien plus faibles qu’antérieurement viennent alourdir la dette à long terme du syndicat et dégrader sa situation financière.

Depuis quelques années, même le tramway semble trop cher pour les finances du SyTRAL. S’il n’a pas remis en cause, en raison des risques politiques, la construction des lignes T3 et T4, il a en revanche développé un nouveau concept de trolleybus en site propre partiel. Là, l’investissement se limite à la pose de quelques ligne aériennes, quelques retouches de voirie et un peu d’électronique pour la priorité aux feu. C’est ce concept qui a été retenu pour la ligne la plus chargée du réseau dont le nombre de passagers aurait sans problème justifié un tramway…

C’est dans ce contexte que la demande en transports en commun sur l’agglomération explose. En effet, on peut penser qu’au fil des investissements, le réseau a atteint ce que l’on pourrait appeler une « qualité critique » c’est-à-dire que les fréquences et la rapidité des lignes structurantes sont suffisante pour attirer régulièrement par leurs qualités intrinsèques de nouveaux usagers. Comme dans le même temps le coût des carburants renchérie l’usage de la voiture, l’effet cumulatif sur la fréquentation devient très fort. Le réseau connaît donc des charges très élevées aux heures de pointe, et des investissements vont devoir rapidement êtres consentis pour pouvoir répondre à la demande sur les lignes existantes.

Or ces investissements seront coûteux, à la fois parce que les besoins sont dès à présent criants, mais aussi parce que la politique d’investissement « à l’économie » du SyTRAL depuis une dizaine d’années va se retourner contre lui. Ainsi, pour faire face à la saturation du tramway sur certaines sections des lignes T1 et T2, il pourrait être intéressant d’allonger les rames comme cela a été fait à Montpellier. Mais là-bas, sur tout le réseau la longueur des quais avait été prévue pour recevoir des rames de 40 mètres de long, alors qu’à Lyon, les seules sections pouvant recevoir des rames plus longues que 32 mètres sont parmi les moins chargées (ligne T3 et T1 de Montrochet à Suchet) Il va donc falloir choisir entre faire rouler plus de rames, et donc augmenter les frais de fonctionnement et allonger les rames mais surtout les quais de 47 stations, ce qui va coûter cher. Pire encore, le métro est bondé aux heures de pointes. Si sur toutes les lignes l’allongement des rames sera certes coûteux par la commande de matériel neuf, sur les lignes A et B, on peut aussi prévoir des travaux lourds de génie civil dans certaines stations. Ces dernières ont bien été dimensionnées lors de leur construction pour recevoir des rames de 4 voitures (les rames actuelles en comportent 3) mais les travaux menés depuis trois ans pour mettre en place des portillons et « fermer le métro » ont parfois beaucoup mordu sur les quais rendant quasiment impossible, en l’état actuel, l’accueil de rames de quatre voitures.

Face à cette situation, le SyTRAL a choisi de jouer les illusionnistes là où il peut et de regarder ailleurs là où il ne peut pas. Ainsi, les rames de la ligne D du métro vont être réaménagées pour augmenter leur capacité à taille constante. On peut penser que les rames des lignes A et B vont suivre si cette opération s’avère satisfaisante. Pour le tram, une petite opération du même type pourra peut-être être envisagée, mais elle n’est pas à l’ordre du jour, pas plus que l’allongement des rames ou l’augmentation de la fréquence. Mais la plus grande illusion actuelle du SyTRAL, c’est le prolongement de la ligne B du métro à Oullins qui devrait se faire sans achat de matériel roulant neuf ! De même pour ce prolongement, les coûteux déboires du creusement de la ligne D n’ont pas servi de leçon, puisqu’on envisage le franchissement du Rhône par un tunnelier. Alors que le réseau actuel ploie lourdement sous une fréquentation extrêmement forte, on est en train de promettre d’engloutir des sommes très importantes dans une opération qui va venir encore le surcharger en réduisant la fréquence sur la ligne B (même nombre de trains sur une ligne plus longue) tout en augmentant le nombre de passagers.

La situation du SyTRAL n’est certes pas simple. Il doit satisfaire les besoins actuels, tout en répondant à de nouvelles demandes. Cependant, il apparaît clairement que la réponse doit être globale, et non ponctuelle. Car chaque « petit investissement » , s’il n’est pas pensé dans le contexte globale d’évolution du réseau peut aboutir à en contrarier le fonctionnement. Le SyTRAL doit donc faire plusieurs choses. D’une part il doit définir une politique à long terme cohérente d’évolution du réseau. Il ne sert par exemple à rien de créer des nouvelles lignes de rabattement sur des « lignes fortes » si celles-ci sont saturées. Il doit aussi trouver des financements supplémentaires auprès de ses autorités de tutelle (Communauté Urbaine de Lyon et Conseil Général) et éventuellement de l’État.

Si le SyTRAL ne réussit pas à sortir de sa vision à court terme sectoriel et surtout s’il n’arrive pas à trouver de nouveaux financements pour répondre aux besoins à moyen et long terme, alors l’attractivité du réseau risque d’en pâtir. Ceci risque de détourner nombre d’utilisateurs, et donc par contrecoup de dégrader encore les finances du syndicat. Celui-ci risque bien alors de se retrouver en faillite…