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Le malthusianisme : Doctrine pour les transports en commun ?

Publié le 02-03-2008 à 19h11

Vous le savez, les finances dans le domaine des transports en commun sont (comme partout) le nerf de la guerre. Or, cela ne va pas fort de ce côté-là entre le désengagement de l’État, et l’endettement des autorités organisatrices suite au financement d’infrastructures excessivement coûteuses. (voir l’édito du mois dernier au sujet du SyTRAL) Partant de là, on commence à entendre certaines personnes tenir des discours étranges, enrobés dans de bons sentiments du « Grenelle de l’Environnement ».

Ainsi, certains voudraient que l’offre de transport en commun ne se développe pas trop à la périphérie des agglomérations pour « ne pas favoriser la périurbanisation ». L’idée est intéressante, mais que ne l’ont-ils pas défendue il y a 40 ans lors de la construction des autoroutes !

Aujourd’hui, la périurbanisation est une réalité et non un risque à venir, avec des personnes qui font 60 ou 80 kilomètres tous les matins et tous les soirs pour aller et revenir de leur travail. De plus, cette « périurbanisation autoroutière » est particulièrement diffuse et s’étend jusqu’à plus de 15-20 kilomètre des sorties des autoroutes menant vers l’agglomération. À contrario, on s’aperçoit que lorsque la périurbanisation se fait le long des axes de transports en commun, elle se concentre souvent à moins de 2 kilomètres des stations. Bref, si l’extension périurbaine n’est pas une bonne chose pour l’environnement, sa canalisation le long d’axes de transports en commun où l’offre pourra facilement être ajusté est bien préférable à la dispersion sur tout le territoire liée à la voiture particulière et son usage immodéré, avec toutes les conséquences qui en découlent pour la santé et l’environnement. Rappelons au passage que chaque année, sur la France, c’est une surface équivalente à 60 000 terrains de football qui est urbanisée au détriment de l’agriculture et des espaces naturels.

D’autres voudraient tenter de résoudre les problèmes de capacité actuels des transports en commun aux heures de pointe en contraignant les horaires des passagers captifs. Ainsi, les détenteurs de cartes à tarif social comme les retraités se verraient interdire le réseau aux heures de pointe. Outre l’aspect choquant de décider que certaines catégories de populations n’auront pas le droit de se déplacer à certaines heures sauf à payer des tickets plein tarif en plus de leur abonnement, on peut penser qu’une telle mesure n’aura pas d’impact significatif sur la charge des transports en commun en heure de pointe.

Bref, au nom de bons sentiments (l’écologie, la lutte contre l’étalement urbain, l’optimisation des capacités des réseaux de transports en commun…) on voit apparaître des idées souvent simplistes et dont la fausseté n’a d’égale que leur inefficacité à résoudre le problème. Si certaines idées n’étaient sous-tendues par des concepts d’exclusion des plus faibles, on pourrait en sourire.

Mais le fond du problème est bien financier. Les collectivités ou les personnalités qui se complaisent à propager ces idées refusent en fait toute idée d’augmentation des financements publics pour les transports en commun. Pourtant, les dépenses routières chaque jour plus lourdes pour la collectivité ne semblent pas les émouvoir autant. Que la circulation routière et la pollution associée tue chaque année des dizaines de milliers de personnes en France ne semble pas les préoccuper, pas plus que le mitage généralisé des paysages par une urbanisation anarchique sous forme de lotissements. En revanche, dépenser des sommes relativement modestes pour réduire ces problèmes semblent leur insupporter au plus haut point. En effet, ceci remet en cause leur libéralisme débridé, la politique du laisser-faire tant vantée sous couvert de « liberté » ces dernières années. Cela constitue aussi une atteinte intolérable à leurs yeux à l’industrie « nationale » de l’automobile.

Courbe d'évolution du prix du baril de pétrole en USD depuis 1920

Or l’évolution du prix des carburants (cf. courbe d’évolution du prix du baril de pétrole) est un facteur relativement nouveau et brutal à ne pas négliger. Il milite lui aussi pour une action particulièrement volontariste sur le développement des transports en commun, car les besoins vont être, d’ici quelques années, énormes. Si 20% des automobilistes venaient à abandonner leur véhicule, cela se traduirait par une hausse minimale moyenne de 40% du nombre de passagers des transports en commun. Ceci avec des hausses beaucoup plus fortes dans les couronnes périurbaines des agglomérations. Sachant que les autorités organisatrices réunies au sein de GART semblent s’accorder pour évaluer la hausse moyenne annuelle du nombre de passagers des réseaux de transports publics à 7% au moins jusqu’à 2012. Ceci indépendamment de l’envolée récente du prix des carburants.

On voit donc clairement que dans ce contexte, le malthusianisme ou la volonté de rationner les transports sont des illusions dangereuses. Souhaitons que les nouvelles équipes municipales et départementales sachent écarter les fausses solutions et se montrent à la hauteur des défis qu’elles vont devoir relever.