Publié le 01-10-2008 à 04h00
Depuis quelque temps, il règne une certaine agitation politique autour de l’autorité organisatrice des transports publics de la région Lyonnaise. Certains parlent de suppression, d’autres d’élargissement. Pourquoi un si soudain intérêt pour cette institution dont la création remonte à 1941 et qui est resté relativement dans l’ombre jusqu’à ce jour ? C’est ce que nous allons essayer de comprendre.
Tout d’abord, il faut bien comprendre ce qu’est le SyTRAL. Il s’agit de ce qu’on appelle en droit administratif un syndicat. Une telle structure est créée lorsque (au moins) deux collectivités locales (communes, intercommunalités, départements, régions) veulent coopérer entre elles et mettre en commun au moins une compétence. Les collectivités en question, une fois que leurs organes délibérants (conseil municipal, communautaire, général ou régional) ont validé la création du syndicat délèguent leur(s) compétence(s) et moyens financier, techniques et humains dans le ou les domaines mis en commun au syndicat. Le syndicat acquiert alors une autonomie juridique, un peu comme une filiale commune à deux entreprises distinctes. Il est géré par un comité syndical où les différentes collectivités partenaires sont représentées. Si un jour les collectivités qui ont créé le syndicat ne s’entendent plus, la procédure ressemble fort à un divorce avec le décompte des cuillères en argent à la clef.
Le SyTRAL est un syndicat regroupant la Communauté Urbaine de Lyon (alias le Grand Lyon) et le Département du Rhône. La compétence (que possédaient par la loi ces institutions) mise en commun est l’organisation et la gestion de la desserte par les transports publics urbains de personnes dans le Périmètre de Transports Urbains (PTU) de l’agglomération de Lyon. Ce dernier correspond (pour rester simple) approximativement au Grand Lyon. C’est-à-dire que dans ce périmètre, le seul référant en matière de transports public de personnes est le SyTRAL. Il a donc tous pouvoirs pour définir la méthode pour exploiter le réseau existant, le tracé des lignes transport, le nombre de passage à chaque arrêt et les projets de développement futur du réseau. Toute création de ligne régulière de transport de personne ouverte au public, fut-elle privée, dans le PTU est soumis à son accord.
Structure actuelle des liens institutionnels entre les collectivités chargés des transports sur la Communauté urbaine de Lyon.
Le SyTRAL est donc une grosse structure avec des pouvoirs importants et un budget conséquent. Cependant, du fait de l’étalement urbain et du mitage des territoires autour du Grand Lyon par une périurbanisation particulièrement active, son périmètre d’intervention ne correspond plus aux besoins de déplacements des habitants de l’agglomération. De plus, à cause des investissements très importants qu’il a consenti pour le développement du réseau ces dernières décennies, son endettement devient un fardeau empêchant de dégager des moyens pour de nouvelles extensions.
Les hommes politiques commencent à se saisir de ce problème. Aussi, dès avant les élections municipales, les grandes manœuvres ont commencé. L’idée qui émerge est celle de la création d’un nouveau syndicat couvrant soit la totalité soit une bonne part du territoire de la région. Les différentes structures compétentes en matière de transport public (communes, intercommunalités, département et région) lui déléguant l’organisation et la gestion du réseau… Ce syndicat pourrait effectuer des prélèvements obligatoires complémentaires à ceux existants, ce qui lui donnerait quelques marges de manœuvres budgétaires.
Cette structure serait donc un peu à l’image de ce qu’est le STIF en Île-de-France, avec la mise en place d’un système de tarification unique par zone, quel que soit le moyen de transport utilisé (train, autocar interurbain, bus, métro, tram…) et coordination des différents modes avec une planification à long terme des investissements. Cependant, ce syndicat, de par l’ampleur de la tâche d’organisation, serait obligé, pour des raisons d’efficacité, de déléguer une partie de ses compétences. En effet, par exemple, vue à l’échelle régionale, la gestion des différents réseaux de transports en commun urbains est malaisée. Déplacer un arrêt de bus deviendrait vite, dans une situation aussi centralisée, quelque chose de quasi-impossible…
Et c’est là que les grandes manœuvres autour du SyTRAL interviennent. En effet, pour l’organisation des transports urbains lyonnais, le futur syndicat à l’échelle de la région pourrait soit choisir de déléguer au SyTRAL, soit directement à la Communauté Urbaine de Lyon, ce qui entraînerait de facto la disparition du SyTRAL. Quels sont les avantages des deux solutions ?
Si la délégation est faite au SyTRAL, l’un des intérêts, c’est que l’élargissement du périmètre de délégation est plus simple, car le SyTRAL peut se jouer des limites des intercommunalités et donc suivre l’exacerbation de la périurbanisation de l’agglomération lyonnaise. L’autre intérêt est que cette structure connaît son métier et à part une probable réorganisation du comité syndical en fonction de l’extension de son périmètre d’intervention, le fonctionnement ne serait pas remis en cause. Il perdrait cependant probablement un peu de son autonomie de décision en matière d’investissement, car il serait très dépendant des financements qui transiteraient par le nouveau syndicat. Autre inconvénient, dans ce schéma, le Grand Lyon perdrait son autorité directe la structure gérant le réseau de l’agglomération, même si de par son poids, le syndicat régional pourra difficilement l’ignorer.
Structure d’organisation institutionnelle prévisible avec maintien du SyTRAL.
Si la délégation est faite au Grand Lyon, l’intérêt est que sur le territoire de la Communauté Urbaine, la même structure gèrera à la fois l’urbanisme et les transports. On peut donc espérer une meilleure coordination entre déplacements et urbanisme. Cette option permet aussi de faire disparaître une structure administrative (le SyTRAL). Elle permettrait aussi de préserver une autonomie financière plus grande au niveau de l’organisation des transports dans le Grand Lyon, car la Communauté Urbaine pourrait compléter les financements du syndicat régional. En revanche, cette option risque de complexifier fortement l’organisation des transports sur les franges de l’agglomération (les intercommunalités à proximité), avec une qualité de service pour ces dernières, au final, peu satisfaisante.
Structure institutionnelle prévisible avec disparition du SyTRAL.
Bref, au vu des enjeux, le débat dans les diverses instances promet d’être intense tant dans les assemblées qu’en coulisses. Souhaitons seulement que le consensus soit le plus large possible, pour qu’à l’image de nos voisins suisses, une grande communauté tarifaire puisse être mise en place sur la région, tous modes de transports confondus.
Note : les schémas qui illustrent cet article sont extrêmement simplifiés, notamment celui représentant l’état actuel. Ils représentent les interactions principales entre les différentes entités, mais de multiples liens secondaires existent avec des financements croisés complexes en particulier. Cependant, même s’il ne faut pas négliger leur impact, ils restent relativement marginaux.