Publié le 01-12-2008 à 18h55
Les élus lyonnais suivent une logique qui parfois échappe… à la logique. Ils tiennent à peu près tous un discours sur le développement des transports en commun et pourtant, de manière totalement schizophrène favorisent en parallèle l’usage de la voiture particulière en ville.
Prenons l’exemple du stationnement, qui est absolument crucial. La société d’économie mixte Lyon Parc Auto gère à ce jour plus de 22 000 places de stationnement en ouvrage (principalement en sous-sol) Pour atteindre ce chiffre exorbitant (rappel : une place de stationnement et ses dégagements occupent à peu près 25 m2 de surface, je vous laisser calculer la surface globale des parcs de stationnement de cette société) la société en question a par exemple dépensé 55 millions d’euros en 2006 pour la construction de nouveaux parcs. Les élus ont favorisé au maximum cette politique immobilière (le dernier mandat a été celui où le nombre de places de stationnement construites en ouvrage a été le plus important de tous les temps), car elle permet de cacher les voitures stationnées. Donc comme on ne les voit plus, les élus peuvent se vanter d’être écolo, et de restreindre l’usage de la voiture… Pensez donc on fait payer le stationnement cher donc les gens vont changer leurs habitudes ! Et puis, fini les voitures ventouses qui nuisent au commerce.
Et ce sont ces deux points qui sont la perversité du système. En effet, lorsque le stationnement est gratuit, l’automobiliste va se stationner pour un temps qu’il ne comptera pas, puis qu’il ne lui coûte pas. Le véhicule a donc des chances de rester plusieurs heures (voir même toute la journée, s’il s’agit d’un pendulaire) stationné à la même place. Or un véhicule qui ne roule pas ne pollue presque pas (si on excepte les fuites liquides et gazeuses de fluides comme l’huile, le liquide de frein, ou le carburant)… Même s’il encombre la voirie.
En revanche, lorsque le stationnement est facturé, l’automobiliste va avoir tendance à limiter son temps de stationnement au strict minimum. Ainsi, une place qui gratuite aurait été occupée de 8h à 18h par une seule voiture de pendulaire va, une fois rendue payante, être occupée successivement par 2, 3, 4… voitures dans le même laps de temps. Et de plus, cette rotation accélérée donne l’impression à l’automobiliste qu’il y a toujours de la place pour stationner sa voiture et l’incite à venir dans le centre. On voit donc que le stationnement payant, loin d’aboutir à une diminution de la circulation peut au contraire l’augmenter, et même fortement.
Cette politique de stationnement se poursuit pourtant. Ainsi, dans le cadre du projet de réaménagement des quais de Saône, il est envisagé de construire un parking… Sous le lit de la rivière, à la fois pour restituer une partie des places supprimées dans les parcs payants existant par le projet, mais aussi pour supprimer du stationnement payant actuellement en surface (toujours ce souci de camoufler le cancer automobile).
Les parcs de Lyon Parc Auto en 2008 (doc. LPA).
Or il semble que le système atteigne désormais ses propres limites. Ainsi, en 2007, si l’on ne tiens pas compte de l’ouverture 5 (!) parcs de stationnement intervenus dans l’année, la fréquentation des parcs en ouvrage de la société Lyon Parc Auto a baissé de 1%. De plus, l’engagement des élus de remplacer quasiment à nombre égal (en fait on arrive aux 3/4) les stationnements (gratuits !) antérieurement situés sur les berges du Rhône par du stationnement en ouvrage (payant) sous les places Antonin Jutard (Fosse aux Ours, 445 places) et Maréchal Lyautey (Morand, 732 places) se révèle surdimensionné. En effet, les berges étaient occupées par de nombreuses voitures d’étudiants (pas uniquement, naturellement). Or c’est une population qui a rarement les moyens de distraire le prix d’un stationnement quotidien de ses revenus. De plus, pendant toute la période des travaux, les personnes venant en voiture pour leur travail sur ce secteur n’ont pas eu d’autre alternative que de s’adapter à la suppression massive des places (le parc de la Fosse aux Ours n’a ouvert qu’en 2007, alors que les travaux sur les berges s’achevaient) et se sont donc habitué aux alternatives que sont par exemple les transports en commun. Ceci d’autant plus que dans le même temps, le prix du carburant a subi une évolution brutale qui a plus qu’encouragé cette adaptation.
Or les sommes investies dans les parkings souterrains, même cantonnées dans une SEM (détenue à 61,84% par les collectivités locales que sont la communauté urbaine de Lyon, la ville de Lyon et le département du Rhône) ne sont pas employées à autre chose et en particulier pour les transports en commun… Où pourtant les besoins sont bien plus criants que dans le domaine du stationnement… On pourrait même dire cyniquement que la question du stationnement serait réglée d’elle-même avec une police municipale portée par une volonté politique forte et adossée à une fourrière efficace et performante (en plus, une politique de répression dure du stationnement sauvage rapporterait certainement de l’argent). En revanche, la surcharge des transports en commun, elle, nécessite des moyens. Ce n’est pas avec des vœux pieux et des bons sentiments que l’on va augmenter la capacité des lignes du métro, du tram ou des bus (on ne va pas retourner une perche de Cristalis™ de la ligne C3 dans la plaie béante.) On saura bientôt si le « plan de mandat » de la Communauté Urbaine de Lyon et du SyTRAL (où l’on retrouve la communauté urbaine et le conseil général, deux collectivités locales représentant 40% de l’actionnariat de la SEM Lyon Parc Auto) iront dans ce sens, ou si comme depuis 2001, on vantera le développement durable, tout en choyant l’automobiliste.