Ferro-Lyon

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Régie !

Publié le 07-12-2008 à 16h25

Le contrat de délégation de service public attribué par le SyTRAL à Kéolis-Lyon pour l’exploitation du réseau TCL arrive à échéance fin 2010. Compte tenu des contraintes liées au choix d’un nouveau délégataire, le SyTRAL a déjà lancé les travaux préparatoires de rédaction du cahier des charges de ce marché public.

Cependant, on peut légitimement se poser la question de savoir pourquoi faire une délégation de service public. En effet, le SyTRAL est actuellement propriétaire de tout le matériel roulant (environ 880 bus, 120 trolleybus, 73 rames de métro, 73 tramways et 4 rames de funiculaires…), des 12 dépôts, de l’outillage, des infrastructures (sites propres pour les bus, voies des trams, métros et funiculaires.) On voit qu’il s’agit d’un patrimoine considérable, qui peut justifier la constitution d’une structure intégrée de gestion. On est bien loin d’un petit réseau avec une poignée de bus pour lequel la collectivité pourrait avoir des difficultés à monter une structure de gestion adaptée, et qui surtout risquerait d’avoir du mal à offrir des évolutions de carrière intéressantes à des personnes compétentes du fait de la taille réduite des structures. Dans ce cas, effectivement, la délégation peut être envisagée, mais on mesure combien on est éloigné de ce schéma.

Or le SyTRAL ne semble pas vouloir se lancer dans la création d’une structure d’exploitation sous forme d’une régie qui lui appartiendrait. Pourtant, ce type de structure qui a largement fait ses preuves (on peut citer pour rester dans le domaine des transports urbains, l’agglomération toulousaine) lui apporterait un certain nombre d’avantages économiques, ce qui en ces temps de restrictions budgétaires pourrait être intéressant pour le contribuable-usager. Car, et c’est un principe de base de l’entreprise privée, pour qu’une entreprise postule pour un contrat de délégation de service public, il faut que celui-ci lui rapporte plus qu’il ne lui coûte. En clair, lorsque le SyTRAL signe un contrat pour déléguer l’exploitation du réseau de transport, les subventions versées servent, pour une petite partie (si le contrat est correctement estimé par les techniciens du SyTRAL, sinon, ça peut être une grosse partie), au délégataire pour dégager une marge bénéficiaire. Il ne faut pas oublier que le délégataire est en général une grosse structure disposant d’une direction générale au-dessus de tous les réseaux qu’il gère, et doit bien financer ses frais de fonctionnement de siège social… Sans négliger le dividende des actionnaires.

Je ne sais d’ailleurs pas si vous avez remarqué, mais il est rarissime d’entendre dire qu’un délégataire perd de l’argent dans un contrat avec une collectivité publique. Or en général, les délégataires sont assez sensibles au niveau du cœur… du portefeuille pour crier de toutes leurs forces lorsqu’on y touche. On peut donc penser que les contrats actuels sont bien rémunérateurs. (Rappelons-nous qu’au moment du dernier renouvellement de délégation, le SyTRAL avait imposé une baisse notable des subventions… Sans que le délégataire ne renâcle particulièrement) Dans le cas d’une régie directe, aucun bénéfice n’est prévu, donc si le budget prévisionnel pour assurer les missions est excédentaire, l’autorité organisatrice, en tant que propriétaire de la régie, récupère le surplus dégagé pour le réaffecter à l’entretien et au développement du réseau.

De plus, dans un système de délégation de service public, pour que le contrat ne soit pas trop favorable au délégataire mais tout de même attractif, il y a des mécanismes complexes de subventions fixes et variables, de bonus et malus financiers en fonction d’objectifs inscrits dans le cahier des charges du marché. Ces bonus et malus sont censés inciter le délégataire à bien gérer le réseau. Or un délégataire va toujours faire en sorte de maximiser ses bonus et minimiser ses malus. Et pour cela, il va respecter le cahier des charges en adoptant les techniques les moins coûteuses pour lui… Même si elles s’avèrent contre-productives par rapport aux objectifs souhaités de l’autorité organisatrice. C’est ce qu’on appelle utiliser la lettre d’un texte contre son esprit. Ce qui est certes répréhensible sur le plan de la morale… Mais pas sur le plan juridique, puisqu’un tribunal ne statue que sur des écrits et des faits.

Cette structure de financement complexe est d’ailleurs quelque chose qui a un coût élevé pour la collectivité, car il faut bien rémunérer les personnes qui valident le respect des objectifs du cahier des charges, celles qui calculent bonus/malus… On a donc une technostructure peu productive en terme de service public, mais qui vient alourdir les charges financières du SyTRAL… Ceci, naturellement sans compter les sommes versées au titre des bonus. Et ces sommes ne servent ni à l’exploitation du réseau, ni à son développement, mais bien à verser des dividendes à des actionnaires.

Enfin, la procédure d’appel d’offre en elle-même n’est pas gratuite. Entre le montage du dossier, sa validation juridique et technique, les procédures, les analyses des offres, les éventuels recours judiciaires, ce sont à chaque fois des dizaines de milliers d’euros qui sont dépensés quasiment en pure perte à intervalles réguliers.

Bref, la délégation de service public génère des charges fixes supplémentaires conséquentes, à service identique, pour le SyTRAL par rapport à une exploitation en régie. Chaque année, c’est facilement plusieurs centaines de milliers d’euros (voir plusieurs millions d’euros) qui pourraient êtres économisés et réinjectés dans l’amélioration du réseau (par exemple allonger les rames de tramway, accélérer le remplacement des rames du métro par des rames plus longues, créer des nouvelles lignes de tram…) par le simple passage de l’exploitation en régie directe. Il n’y a donc pas à hésiter !