Ferro-Lyon

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Publié le 23-08-2009 à 23h08

Alors qu’un ami héliporté de notre bien-aimé président de la république nous met en garde sur les conséquences de nos modes de développement, il semble important de voir quelles sont localement les tendances et si le « développement vert » est en passe de devenir une réalité au-delà des discours.

Tout d’abord, le développement actuel passe par la consommation effrénée d’espaces agricoles et naturels pour installer tant des constructions (logements, zones de commerce et d’activité…) que des infrastructures. Or chaque mètre carré de terre végétale possède des capacités d’absorption du CO2 que n’ont ni le béton, ni les autres espaces artificialisés. Ainsi, entre 1993 et 2004, sur la région Rhône-Alpes, ce sont pas moins de 69 838 ha de terre qui ont été perdu tant pour la nature que pour l’agriculture (dont 8007 pour le seul département du Rhône). Soit un rythme de destruction annuel de 6 349 ha (dont 728 pour le département du Rhône), ou si vous préférez, l’équivalent d’environ 8 892 terrains de football par an.

Cette destruction est produite par un étalement urbain totalement incontrôlé… Et qui ne semble pas devoir l’être à court terme, tant des logiques locales prédominent sur les enjeux globaux de sauvegarde de la planète. Ainsi, les communes périurbaines ont une volonté farouche de développement, et nul ne s’oppose, au nom de l’intérêt de tous, à l’artificialisation de 2, 3, ou 10 ha ou plus par commune tous les 10 ans. Imaginez le résultat au niveau national, avec ses 36 000 communes… Pire, cette consommation d’espace se fait pour loger, à surface égale, toujours moins d’habitants, de commerces, ou d’activités. Pourtant, on sait que la diminution de la densité en dessous d’un seuil, qui pour l’habitat est d’environ 80 à 100 logements à l’hectare urbanisé, aucune mixité des fonctions urbaines ne peut exister. Ainsi, sous ce seuil, aucun commerce de proximité ou aucun service de transport collectif n’a suffisamment de clients dans sa zone de chalandise pour être viable ou pertinent économiquement. Or les densités des zones urbaines nouvelles dans les communes périurbaines et rurales atteignent péniblement une densité de 10 à 20 logement à l’hectare. Il se crée donc actuellement de gigantesques zones monofonctionnelles dans lesquelles les distances sont telles que les déplacements reposent exclusivement motorisés individuels.

Ce développement urbain anarchique induit donc un besoin toujours croissant d’infrastructures, préférentiellement routières. Du fait de l’étalement de l’urbanisation, tous les 10 à 20 ans, il est nécessaire d’envisager de nouvelles infrastructures, ou l’augmentation de capacité de celles qui existent. Ainsi, en 1992, à Lyon, la rocade est était sensée faire « sauter le bouchon de Fourvière ». En 2009, on en est à construire l’A432 pour « désengorger » la rocade est, alors que le bouchon sous Fourvière est en pleine forme, merci pour lui. Si l’on continue sur le même chemin, en 2020, il faudra construire l’A48 entre Ambérieu-en-Bugey et Bourgoin-Jallieu pour « désengorger l’A432 ». Rappelons juste que la circulation sur l’autoroute A6 au nord de Belleville-sur-Saône est d’environ 55 000 véhicules par jour (ce qui correspond peu ou prou au trafic de transit nord-sud à longue distance), alors que plus de 160 000 véhicules s’engouffrent quotidiennement en moyenne sous le tunnel de Fourvière. Le transit à longue distance ne compte donc même pas pour 1/3 de la circulation totale. Tout le reste, ce sont des déplacements locaux internes à l’agglomération lyonnaise !

Dans la même logique, on sait que toutes les infrastructures routières nouvelles n’ont pas pour conséquence de réduire les temps de trajet domicile-travail, mais d’éloigner ces deux pôles, tout en déstructurant toute logique urbaine. Rappelons qu’en plus de 40 ans, le temps de déplacement moyen entre les deux n’a quasiment pas varié. En revanche, sur la même période, la vitesse moyenne de déplacement a plus que doublé… La distance parcourue s’est donc allongée en proportion. Or cette hausse induit plus de pollution et de rejets de CO2, car par l’allongement des distances, et la dilution de la structure urbaine, ces déplacements sont dans leur immense majorité motorisés, préférentiellement en véhicules individuels.

Bref, les éléments les plus critiques pour la préservation de la planète dans nos modes de vie sont connus : la consommation d’espaces agricoles et naturels, la construction de nouvelles infrastructures et les rejets de CO2 que cela induit. On pourrait donc penser que des politiques responsables permettraient d’inverser cette tendance, en bloquant l’artificialisation de nouveaux espaces naturels et agricoles toujours plus éloignés des centres urbain et en cessant de développer des infrastructures supplémentaires. Or c’est tout le contraire qui est en train de se passer. Au niveau des infrastructures, les autoroutes poussent en périphérie de Lyon comme des champignons après la pluie. La mise à 2 fois 3 voies de l’A42 et l’A46 nord ont été réalisées récemment, de même qu’un nouvel échangeur à Dagneux. L’A89, entre Balbigny et La Tour-de-Salvagny ainsi que l’A432 entre Les Échets et La Boisse sont en cours de construction. L’A45 est déclarée d’utilité publique. Le COL est à l’étude de même que le TOP et l’A48. Il n’est point besoin d’être devin pour comprendre que certains verraient bien un prolongement de l’A432 au sud de l’A43 en direction de Vienne ou du Péage-de-Roussillon. Au centre-ville, ce n’est guère mieux, entre le deuxième tube du tunnel sous la Croix-Rousse, le pont Schumann sur la Saône, ou le boulevard urbain est. Au niveau de l’urbanisation, il suffit de consulter n’importe quel POS ou PLU de communes situées entre 5 et 50 kilomètres de Lyon à vol d’oiseau pour être effaré par la disproportion des surfaces de zones NA ou AU – qui désignent les secteurs naturels ou agricoles destinés à l’urbanisation – par rapport aux zones déjà urbanisées. Il est souvent envisagé l’urbanisation d’espaces à l’horizon de 15 ou 20 ans représentant un tiers, la moitié, voir des deux tiers – sinon plus – des surfaces déjà urbanisés. Ceci pour accueillir en général à peine 20% de population supplémentaire, d’après ces mêmes documents.

On constate donc sur le terrain un écart de plus en plus flagrant entre un grand discours de préservation de l’environnement et ses grands principes… Que tous les responsables n’hésitent pas à employer dans la mesure où il sert les intérêts qu’ils défendent, et une réalité où la destruction des espaces naturels et agricoles se poursuit – voir s’accélère – au profit d’un développement économique local à très court terme. Avec naturellement toujours de bonnes raisons, sur le plan purement local (la commune), mais pas à une échelle plus globale (l’agglomération, le pays ou la planète). Or tant que l’impact et les conséquences au niveau global des actions à l’échelle locale ne seront pas intégrés (de gré, par un renoncement à un développement urbain non structuré et éparpillé ou de force, par la mise en œuvre de règles coercitives par l’État ou des collectivités départementales ou régionales) par les décideurs locaux, les films pourront bien être multipliés, il n’y aura pas de résultats tangibles et le désastre se poursuivra.

Source : Service de l’Observation et des Statistiques du Commissariat général au développement durable, anciennement institut français de l’environnement (Enquête Teruti sur l’utilisation des sols)