Ferro-Lyon

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C3, une ligne en ruines

Publié le 09-07-2010 à 22h27

Pour une fois je vais évoquer une ligne de (trolley)bus de Lyon, la ligne C3 entre la gare de Lyon-Saint-Paul et Vaulx-en-Velin-la-Grappinière, tant sa situation est lamentable. Cette ligne, finalement que peu fréquentée, puisqu’il s’agit de la plus chargée du réseau (plus de 55 000 passagers quotidiens… Une paille !) semble totalement abandonnée à la fois par l’autorité organisatrice (le SyTRAL), l’exploitant (Kéolis Lyon), la communauté urbaine de Lyon, ainsi que les communes traversées (Lyon, Villeurbanne et Vaulx-en-Velin). Entre un matériel tombant en décrépitude, une exploitation anarchique et des équipements annexes inexistants, cette ligne ne peut être ce que le SyTRAL prétend qu’elle soit, c’est à dire un BHNS.

Un matériel dégradé et de toutes façons inadapté

Les trolleybus articulés Cristalis® fabriqués par Irisbus ont moins de 10 ans, ont coûté entre 600 et 800 000€ pièce, ont été réaménagés entièrement en 2006 lors de la transformation de la ligne 1 en C3 et sont pourtant dans un état de décrépitude intérieur préoccupant. On ne compte plus les barres de maintien branlantes. Les strapontins ne se relèvent pas correctement, ce qui fait qu’ils deviennent des places assises à demeure, même aux heures de pointe, réduisant tant la capacité que le confort pour les passagers.

Plus grave, certains véhicules circulent avec des boutons de demande d’arrêt arrachés, avec des fils électriques plus ou moins dénudés qui sortent à la place (vu au mois de juin 2010 dans le véhicule n°1907, et dans un autre début juillet). On se demande comment un tel matériel a pu sortir du dépôt tant la sécurité des passagers, en particulier des personnes malvoyantes, peut être compromise par ce type d’installation.

Enfin, je vous laisse admirer l’image prise dans le véhicule n°1904 le 7 juillet 2010 au matin… Ce véhicule a tourné toute la journée, puisque j’ai eu l’immense plaisir de le reprendre le soir même, dans le même état.

Siège dans la voiture n°1904 le 7 juillet 2010

Pour mémoire, certains véhicules ont circulé (et circulent peut-être encore) avec un ou des strapontins manquants…

L’ensemble de ces éléments traduisent de manière très visible un entretien du matériel nettement insuffisant par rapport à son usage. Il est inadmissible que le SyTRAL, propriétaire du matériel, et qui l’a financé avec l’agent public, accepte que son délégataire laisse ce matériel coûteux se dégrader faute d’entretien.

Mais le plus anormal concernant ce matériel, c’est l’inadaptation de son aménagement intérieur. En effet, toute la disposition des sièges et des espaces libres incite les passagers restant debout à stationner à proximité immédiate des portes. Ceci gène grandement les échanges de passagers aux arrêts et les allonge donc de manière démesurée. Les barres de maintien ne sont à la fois pas positionnées dans des emplacements naturels, ni très visible de par leur teinte grise foncée. De plus, la largeur de certains sièges à proximité des portes ou leur disposition en rotonde (cas de certains véhicules de la série 1900) sont totalement inadmissible sur une ligne aussi fréquentée, car elles font à la fois perdre bien trop de place, et compliquent les montées et descentes. Une mention spéciale de l’aménagement le plus exécrable doit être faite aux véhicules de la série 2900, où il a intelligemment été substitué une série de sièges fixes à la plateforme de la deuxième porte de la partie avant… Étrangement, c’est souvent un de ces véhicules qui est le premier d’un train de trolleybus constitué… Comme si leur aménagement intérieur déplorable ralentissait encore plus les échanges de passagers aux arrêts que pour la série 1900 et coulait complètement leur vitesse commerciale.

Une exploitation défaillante

Alors que la fiche horaire indique un passage tous les « 5 à 6 minutes environ » entre 9h et 20h, on ne sait finalement pas s’il s’agit de 4 trolley toutes les 20 minutes, de 5 toutes les 25 minutes, ou de 6 toutes les demi-heures ! Et ce qui est invraisemblable, c’est que dès 7h du matin, alors que la circulation automobile n’est pas particulièrement un obstacle, les trolleys de C3 se déplacent en troupeau… À croire qu’ils ont l’instinct grégaire ! J’aimerais en tout cas bien comprendre comment un piéton allant de Garibaldi-Lafayette à l’Institut d’Art Contemporain régulièrement croise fréquemment 5-6 trolley et ne se fait doubler par aucun. De même, quand en moins de 5 minutes, 4 trolleybus allant dans la même direction arrivent à la station Laurent-Bonnevay-Astroballe, pourquoi aucun n’est immobilisé 5 à 10 minutes pour régulation et réduire ainsi les trous de desserte que crée sur toute la ligne cet empilement de bus à un endroit.

Bref, qu’attend le SyTRAL pour imposer à son délégataire une obligation de résultats. À quand un tableau de suivi mensuel ou trimestriel de la régularité sur cet ligne mis à disposition du public ? Sachant que pour tout arranger, cet été 2010 et le prochain en 2011, la régularité de la ligne est clairement sabotée par le SyTRAL qui construit le raccordement entre les lignes T1 et T4 au niveau du carrefour entre l’avenue Thiers et le cours Lafayette… Raccordement qui aurait dû être fait il y a 5 ans lors de la construction de la ligne T3, si le SyTRAL avait du personnel compétent pour le diriger… Mais c’est sûr qu’il est plus facile de fixer le montant de ses propres indemnités (quoique non sans risque judiciaire) que de planifier un réseau de transport… Et si un jour C3 devait (enfin !) être remplacé par un tramway, il faudrait à nouveau tout recasser à cet endroit.

Un équipement lacunaire

Un BHNS, ce sont sensés être à la fois des véhicules performants, un fonctionnement régulier à une fréquence élevé et des équipements annexes au service du public de qualité. Ce n’est pas le cas, loin de là, sur la ligne C3.

Ainsi, plusieurs quais sont trop courts pour permettre l’accostage complet et correct d’un véhicule, ce qui en terme d’accessibilité n’est pas acceptable.

Concernant les conditions de circulation, et d’insertion dans le flot automobile, il n’est pas normal que les trolleybus aient à slalomer entre les véhicules en stationnement illégal et que, sur avenue aussi large que le cours Lafayette, la ligne ne dispose pas d’un site propre à double sens. Cette lâcheté politique face au lobby bagnolard coûte chaque année plusieurs dizaines de millions d’euros à la collectivité. Vu les sommes investies dans le matériel roulant et le capital humain mobilisé sur cette ligne, toute minute de perdue dans les encombrement fait baisser la productivité et donc, à coût égal, dégrade le service. La simple création d’un site propre à double sens sur 90% de la longueur de la ligne permettrait, à moyens financiers et humains équivalents à ceux actuels, d’assurer une capacité de transport bien plus élevée (les trolley parcourant la ligne plus vite pourraient faire plus de trajet chacun chaque jour) et donc à court terme, un confort bien meilleur pour les passagers entassés.

Juste un anecdote au passage concernant la vitesse commerciale : L’un des jeux des gamins dans C3 le long du cours Lafayette, est de descendre à un arrêt pour reprendre le même trolley à l’arrêt suivant… Et ils y réussissent très bien… Sans commentaire !

Du côté de l’information des voyageurs, sensée être aussi un point essentiel, on se demande bien pourquoi certaines stations, même très fréquentées, ne sont pas équipées de borne d’information dynamique indiquant le temps d’attente prévisible… C’est pourtant le cas à Thiers-Lafayette en direction de Vaulx-en-Velin… qui assure « juste » la correspondance avec la ligne T1. Et quand les bornes existent, mieux vaut ne pas être exigeant sur la fiabilité des informations données. Entre les annonces de bus à l’approche qui n’existent que dans l’imagination du système informatique, les bus réels qui arrivent sans avoir été annoncés et l’affichage « Borne Hors service », il vaut mieux rester stoïque.

Un dernier manque est criant : l’absence de distributeurs automatiques de titres de transport dans les stations. Ainsi, à chaque achat de ticket, le départ de la station est retardé de parfois plusieurs dizaines de secondes supplémentaires, car pour la sécurité de tous le conducteur ne vend généralement des tickets qu’à l’arrêt.

Bref, C3 est un échec complet en terme d’amélioration par rapport à la ligne 1 qu’elle remplace. Elle est désormais à classer dans la catégorie “lignes poubelles”, non fiables, avec du matériel dégradé, des infrastructures inadaptées, un service très bas de gamme et une autorité organisatrice ayant abdiqué toute volonté d’améliorer la situation. Et parfois, on se demande si C1 ne marche pas sur ces glorieuses traces…

Prochain édito probablement en septembre 2010… Si rien ne s’y oppose, selon la formule ferroviairement consacrée.