Ferro-Lyon

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574,8… Et après ?

Publié le 05-04-2007 à 21h39 (mis à jour le 10-04-2007 à 21h21.)

Vous n’avez pas pu échapper au battage médiatique ad nauseam autour du record de vitesse du TGV™, circulant sur la LGV™ Est. Cependant, comment considérer cette performance, si l’on en écarte les buts purement techniques et que l’on se concentre sur l’aspect de « l’image » ?

Tout d’abord, on voit l’intérêt de cette opération pour certain de relancer le national-chauvinisme si en vogue actuellement dans certains milieux politiques. Ainsi, on voit parader dans la presse des personnes très promptes à dire les pires bêtises. Ainsi, un quotidien du soir sensé être réputé pour son sérieux a écrit le 3 avril 2007 :

La France, “avec son antériorité [le TGV a 25 ans], le nombre de passagers transportés [1,2 milliard] son maillage dense [1 500 km de lignes à grande vitesse], est sans contestation le leader mondial de la grande vitesse ferroviaire”, indique Ignacio Barron de Angoiti, chargé de mission à l’Union internationale des chemins de fer (UIC). “Et sans avoir connu un seul accident mortel”, ajoute-t-il.

Ici, tout est faux. Le Shinkansen a fêté ses 40 ans en 2004. Il a déjà transporté de l’ordre de 6 milliards de personnes, sur un réseau maillé de 1 952 kilomètres de long. Et pour les accidents mortels, on repassera aussi, car il y en a bien eu un à Voiron (certes sur ligne classique, donc non totalement lié au système TGV™), à un passage à niveau (1). Le shinkansen, en dehors des suicides, c’est zéro morts.

Ce record sert aussi comme cache-misère d’un rail français mal-en-point. En effet, il suffit de détourner les yeux des TGV™ ou autres LGV™ et de regarder les lignes classiques pour y apercevoir avec épouvante une situation plus que préoccupante. L’état de certaines voies ne permet même plus de rouler dessus à 60 km/h, les dessertes longues distances interrégionales sont complètement négligées, et les dessertes périurbaines, là ou elles ont été renforcées, sont victimes de leur succès avec des trains bondés, et du matériel à bout de souffle utilisé pour palier au manque de fiabilité de leurs remplaçants. Bref, le record semble être vu par ses promoteurs plus comme l’occasion de faire oublier temporairement une situation quotidienne plus que médiocre, vécue par des millions d’usagers quotidiennement, que de réellement souhaiter améliorer leurs conditions de transport.(2)

À l’heure où l’on vante ce record, la province se morfond encore à attendre un vrai fonctionnement intermodal des transports. Créer un système de billetterie unique entre les trains, les transports urbains et les autocars départementaux semble être une tâche au-delà de toutes forces humaines… Alors qu’il ne s’agit pas de technologie, mais de signer des conventions pour se répartir les recettes de la billetterie. Un système qui fonctionne depuis 30 ans en région parisienne, et quasiment aussi longtemps en Suisse.

Et on pourrait poursuivre cette liste déprimante de manques, de déclin et d’abandon du service public ferroviaire longtemps encore.

Il existe certes des raisons d’espérer, avec un embryon de billetterie intermodale moyennant le déploiement coûteux d’une technologie de cartes de technologie rifid, l’arrivée de nouveaux matériels roulants enfin fiables ; mais surtout la mise en place en Rhône-Alpes du cadencement des TER™ en décembre 2007.

Alors oui, 574,8 km/h c’est bien, mais ouvrons maintenant les yeux sur tout le chemin qu’il reste à parcourir pour que les trains du quotidien – qu’ils soient TER™, Corail Intercité™ ou autre Téoz™ – soient enfin fiables, rapides, fréquents efficaces et confortables… C’est ça le véritable défi de fond que devront relever aussi bien la SNCF, que RFF, et leurs fournisseurs.

(1) Pour toutes informations complémentaires, on se reportera utilement à la page dédiée de Wikipédia.

(2) Cet article a été écrit juste avant qu’un train de banlieue en provenance de Château-Thierry ne percute à faible vitesse le heurtoir en gare de Paris-Est.