Ferro-Lyon

Métros, trams, trains, funiculaires lyonnais…

  1. Page d'accueil
  2. Éditoriaux

Les dents du maire

Publié le 15-09-2010 à 18h29

Tout le monde se rappelle que le programme électoral du printemps 2008 de l’actuel maire de Lyon comportait un projet « d’ascenseur à vélos » dans le tunnel de l’ancien funiculaire de la rue Terme. Or on se rappelle que dès l’automne 2008, le projet avait été enterré… Trop cher (estimation officielle : 16 millions d’euros) et peut-être aussi trop de risques d’impopularité auprès des bagnolard, malgré les gages donnés à ce lobby insatiable : (TOP : 2 milliards d’euros, réfection du tunnel de la Croix-Rousse : 200 millions d’euros, pont Schumann sur la Saône : quelques dizaines de millions, etc, etc.)

Si cette idée est trop coûteuse, il en est une autre que la ville de Stuttgart a développée avec succès depuis 1983 sur sa ligne de tramway à crémaillère n°10 : le lorry pour les vélos.

Tramway à crémaillère de Stuttgart : lorry à vélo, station Degerloch, juillet 2010

Tramway à crémaillère de Stuttgart : lorry à vélo, station Degerloch, juillet 2010.

Cette idée n’est cependant pas exempte de défauts. Ainsi, afin de ne pas perturber le service, les vélos ne peuvent être chargés et déchargés qu’aux stations terminus. Si à Stuttgart cela ne pose pas de difficulté, il n’en est pas de même à Lyon, puisque le pôle attractif du plateau se situe à la Croix-Rousse et non à Cuire. De même, à Stuttgart il n’est permis d’utiliser le lorry que dans le sens de la montée, c’est-à-dire, étant donné qu’il est situé côté amont de la rame, lorsqu’il est sous les yeux du conducteur.

De plus, si à Stuttgart les stations du tramway sont de plain-pied avec la voirie, il faut bien reconnaître que ce n’est pas le cas avec la station Hôtel-de-Ville-Louis-Pradel du métro C.

Cependant, il existe peut-être des solutions raisonnables. Ainsi, essayons d’imaginer comment le système utilisé avec succès à Stuttgart pourrait être employé à Lyon moyennant un minimum d’adaptations.

Tout d’abord, l’exploitation exclusivement de terminus à terminus, et uniquement pour la montée semble une règle incontournable pour assurer la régularité de l’exploitation de la ligne. Ceci d’autant que la ligne C est quinze fois plus fréquentée que la ligne 10 (33 000 passagers quotidiens, contre 2 000). Pour mettre en place cette exploitation, sans que personne soit tenté de retirer son vélo dans une station intermédiaire, l’exiguïté des stations de la ligne C est très utile. En effet, à Croix-Paquet et Croix-Rousse, le lorry sera déjà engagé dans le tunnel au moment de l’arrêt. À Hénon, un simple rehaussement des barrières vitrées serait suffisant pour empêcher tout accès. Le lorry, non freiné, serait impérativement placé à l’amont des rames.

Tramway à crémaillère de Stuttgart: Station Wielandshöhe, juillet 2010

Tramway à crémaillère de Stuttgart: Station Wielandshöhe, juillet 2010.

Les terminus nécessiteraient un aménagement relativement léger. À Cuire, une simple porte coulissante donnant sur la voie à l’endroit où s’arrête le lorry, à déverrouiller à l’arrivée du train et à refermer une fois tous les vélos retirés, serait suffisante. À Hôtel-de-Ville-Louis-Pradel, en laissant de côté les questions d’accessibilité, qui sont complexes, il serait nécessaire de faire avancer légèrement plus les rames vers le butoir pour que le lorry soit accessible depuis le quai de départ. On se heurte alors à la question de la position des portes de la rame par rapport aux piliers sur le quai d’arrivée…

Reste deux autres points de pure technique.

Le premier est lié au secours des rames. En effet, à Stuttgart le dépôt est situé à l’aval de la ligne. En cas de détresse en ligne, la rame sera donc selon toutes probabilités, secourue par l’aval, c’est-à-dire le côté opposé au lorry, ou l’attelage de la rame demeure accessible. En revanche, à Lyon, le dépôt étant à l’amont de la ligne, la présence du lorry, compliquerait les mesures de secours en ligne… Sans que celles-ci soient impossibles, bien au contraire, car la ligne lyonnaise est à double voie contrairement à celle de Stuttgart. Donc moyennant des consignations et d’éventuelles circulations à contre-voie, un secours par l’aval reste globalement possible.

Le second est de savoir si les rames auront une puissance suffisante pour tracter et freiner correctement après l’ajout du lorry. La comparaison entre le matériel de Stuttgart et celui de Lyon va être utile pour avoir un début de réponse. Les pentes affrontées sur les deux lignes sont à peu près équivalentes : 174 ‰ à Lyon, 178 ‰ à Stuttgart. Les rames en revanche différentes :

  • Lyon, MCL80 : Masse : 87 tonnes (en charge normale), puissance : 4*217 kW (soit 868 kW)
  • Stuttgart, ZT4 : Masse : 47 tonnes (en charge normale), puissance : 2*269 kW (soit 538 kW)

Soit pour Lyon 9,98 kW par tonne et pour Stuttgart 11,45 kW par tonne.

Plus ennuyeux encore, les lorrys de Lyon, pour être à la hauteur des quais (1,10 mètre) devront forcément êtres plus lourds que ceux de Stuttgart où les quais sont bas (hauteur du plateau du lorry, qui est accessible de plain-pied, au-dessus des rails : 358 mm). Les lorrys de Stuttgart pesant 640 kg en charge normale, à Lyon, la masse d’une tonne semble crédible.

L’ensemble rame plus lorry aurait donc une puissance massique de 9,86 kW par tonne à Lyon contre 11,29 kW par tonne à Stuttgart.

Bref, indépendamment des autres difficultés, il n’est pas certain que le MCL80 soit suffisamment puissant pour qu’on puisse lui adjoindre un lorry pour les vélos… Mais peut-être n’est-il pas trop tard pour réfléchir à rendre son successeur (qu’il serait intelligent d’inclure dans le marché global à venir de renouvellement du matériel roulant du métro, pour en limiter le coût, comme a su le faire Stuttgart au début des années 1980 pour les 3 rames ZT4 à crémaillère comprise dans le premier marché des rames DT8 du métro) pleinement compatible avec cette possibilité…

Données techniques sur le matériel roulant à crémaillère ZT4 et lorrys à vélos de Stuttgart tirées du livre en langue allemande : Hans-Joachim Knupfer. Die Bahn zur schönen Aussicht, Stuttgarts Zahnradbahn. Stuttgart : Stuttgarter Straßenbahnen AG, 2009. 243 p. ISBN : 978-3-9811082-2-4.

Prochain édito : pas avant novembre, sauf circonstances exceptionnelles…