Ferro-Lyon

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L’ère des automoteurs

Publié le 13-11-2010 à 17h38

En France, le chemin de fer est très longtemps resté sur une conception du train de voyageurs datant des débuts du chemin de fer : Un train c’était une (ou rarement plusieurs) locomotive suivi d’un nombre variable de voiture. Si dès l’entre-deux guerres tous les anciens réseaux ont développé des autorails, et des automotrices pour ceux qui étaient déjà électrifiés (MIDI, PO, ÉTAT), ce type de matériel est resté cantonné à des usages spécifiques.

Ainsi, les autorails et autres automotrices ont été utilisés soit sur des relations secondaires peu fréquentées pour diminuer les coûts d’exploitation, soit sur des trains plus rapides que les convois classiques mais ayant une capacité limitée et donc soumis à supplément. Seuls quelques essais ont été menés notamment par l’ÉTAT pour étendre l’usage de ce type de matériel (avec par exemple la mise en route de motrices de ramassage entre Paris-Montparnasse et le Mans, qui, de par leurs capacités d’accélération et de vitesse, pouvaient circuler dans un horaire serré juste avant les express afin d’assurer des correspondances réduites avec eux dans certaines gares).

Au sortir de la seconde guerre mondiale, la SNCF est resté sur la doctrine classique concernant aussi bien les omnibus que les trains rapides. Pour les omnibus, elle s’est lancée dans une reconstruction massive des voitures obsolètes des anciennes compagnies. Ainsi sont nées les voitures modernisées sud-est, sud-ouest, Romilly et autre Bruhat. Ce matériel, d’un niveau de confort modeste, marqué par le sceau de l’austérité de l’après-guerre est resté en service jusqu’à la fin des années 1980, alors que l’automobile, elle, avait vu son confort grandement s’améliorer.

Pour les trains rapides et express, pour lesquels les besoins étaient immenses, sont apparus les voitures USI, UIC, puis Corail, qui ont permis d’éliminer les voitures OCEM d’avant-guerre, elles aussi au début des années 1980.

Alors que certains réseaux ont dès les années 1950-60 fortement misé sur les automotrices pour assurer tous les types de trains (NS aux Pays-Bas, JNR au Japon), la SNCF est resté en retrait au moins jusqu’au début des années 1990. Il faut dire qu’en dehors des TGV (automotrices tout de même un peu particulières), le parc de ce type de matériels n’était pas très reluisant, et principalement constitué d’EAD sous-motorisés dont les aménagements intérieurs fleuraient bon les années 1960 avec leurs banquettes en moleskine, et leurs parois en formica. De plus, l’achat des rames Z2, qui aurait pu être un prélude à la généralisation des automotrices au début des années 1980, a été limité à 168 rames faute de moyens financiers.

Autorail EAD en gare de L’Arbresle en mai 2009

Autorail EAD en gare de L’Arbresle en mai 2009.

L’évolution de la SNCF vers l’usage généralisé d’autorails et d’automotrices s’est fait progressivement et de manière pragmatique. Le besoin de matériel automoteur performant est apparu pour donner des correspondances efficaces aux TGV sur des lignes non électrifiées dès la fin des années 1980. Ainsi ce sont les autorails X72500 à la fin des années 1990, malgré leur longue mise au point, qui vont marquer le début de ce mouvement. Il faut dire que dans le même temps, les régions récupèrent progressivement la gestion des services omnibus (rhabillés en TER pour l’occasion) et ne peuvent que constater l’obsolescence avancé du matériel roulant. Les locomotives diesels ont une trentaine d’année, et les voitures UIC ou USI utilisées, déclassées des grandes lignes, sont plutôt plus âgées. Bref, presque tout est à changer dans un délai d’à peine plus d’une décennie. Les besoins sont donc massifs et, deux besoins prioritaires sont identifiés :

  • remplacer les EAD totalement archaïques et dont les exemplaires modernisés sont encore plus sous-motorisés depuis leur alourdissement par l’ajout d’un bouclier anti-collision aux extrémités ;
  • répondre aux besoins de capacité sur les relations les plus chargées.

Cela abouti d’une part à la commande des autorails X73500, très adaptés par leur taille limité aux lignes secondaires et qui constitueront une évolution majeure en matière de confort pour les voyageurs et d’autre part à celle des automotrices Z23500 à deux niveaux pour les relations chargées.

Autorails X73500 en gare de Sathonay-Rillieux en mars 2008

Autorails X73500 en gare de Sathonay-Rillieux en mars 2008.

Cependant, l’arrivée de ces matériels n’a pas éliminé les rames tractées, loin de là. C’est, par un effet indirect la partition de la SNCF en domaines d’activités spécialisés et le développement du TGV qui va leur porter un coup décisif. En effet, traditionnellement, la SNCF utilisait ses voitures grandes lignes obsolètes pour les reverser au service des omnibus. Depuis la mise en service des premiers TGV, la SNCF n’a plus passé de commande significative de voitures grandes lignes, car les rapides et express traditionnels, classés dans la catégorie des « trains non-rentables » devait aller vers l’extinction.

Les régions, désormais autorités organisatrices, et déjà relativement peu enclines à suivre la politique traditionnelle de réutilisation des restes des grandes lignes se trouvent donc dans l’obligation de commander (par le truchement de la SNCF) massivement du matériel roulant. Ne souhaitant pas payer des locomotives qui auraient pu servir à tracter d’autres trains que ceux qu’elles financent, les régions s’orientent logiquement vers l’achat d’automoteurs et d’automotrices. C’est ainsi que sont signés les marchés portant sur 700 AGC (X76500, Z27500, B81500, B 82500) et 212 TER 2N NG (Z24500, Z26500). La livraison de ces matériels a permis de liquider massivement les matériels anciens et de convertir de nombreux trains à l’automotrice. Ainsi, dans de nombreuses régions, les voitures UIC et USI ne sont qu’un souvenir, les Corail reversées au service des TER commencent à trépasser et les séries anciennes de locomotives et d’autorails sont impitoyablement éliminées. Les CC6500, les EAD et X2800 sont liquidés, les BB9200 ne passeront pas l’hiver, et le chalumeau se rapproche dangereusement des BB25150 et des BB25200, pour rester en Rhône-Alpes.

L’avenir des rames tractées voyageurs est désormais bien sombre en France. Aucune commande de voitures n’est en vue, même pour les trains longue distance. Les voitures Corail approchant désormais de la quarantaine, qu’elles soient rénovées Corail plus, Téoz ou TER, leur fin s’approche inéluctablement. Dès 2013, les livraisons des nouveaux matériels (Régiolis et Régio 2N) viendront pousser un peu plus vers la sortie les dernières rames. Il est d’ailleurs probable que par le biais de levées d’options sur ces marchés, les trains classiques Téoz et autres de l’activité SNCF Voyage (si elle n’a pas encore changé de nom) soient eux aussi équipés de matériel automoteur…