Ferro-Lyon

Métros, trams, trains, funiculaires lyonnais…

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Le SYTRAL, un pied dans la tombe ?

Publié le 14-01-2012 à 17h02

En 1942, nombre de concessions accordées par la ville de Lyon à la compagnie Omnibus et Tramways de Lyon pour la construction et l’exploitation des lignes de tramways, et notamment celles des dix premières lignes constituant le noyau central du réseau, arrivent à échéance. Si avant guerre, les élus et l’OTL voyaient cette échéance comme une opportunité pour se débarrasser des tramways qui « gênaient la circulation » et les remplacer par des véhicules routier, l’état de guerre et les restrictions sont venu bousculer fortement ces plans. De plus, l’OTL souhaitait aussi à cette époque se désengager de la propriété des matériels roulants et des infrastructures, qui sont des équipements coûteux et de faible rapport, pour se concentrer sur l’exploitation… Voir se retirer, si on lui impose de conserver les infrastructures. Aussi, compte tenu de l’imbrication des concessions et de l’implication aussi bien de la ville de Lyon que du conseil général du Rhône et face aux besoins évidents de transports publics, l’État les a poussés à s’unir dans une structure nouvelle : le Syndicat des Transports en Commun de la Région Lyonnaise (TCRL) Cette structure associe à égalité la ville de Lyon et le département du Rhône. Elle récupère la propriété de l’ensemble des équipements antérieurement propriété de l’OTL, qui n’est désormais plus que l’exploitant du réseau. Le syndicat fixe aussi la consistance des dessertes, et couvre les déficits d’exploitation.

Cette structure administrative très novatrice pour l’époque a su gérer et développer le réseau. Certes, en suivant les modes successives. Ainsi, la paix revenue, le réseau de tramway a été supprimé dans les années 1950… Ce qui a été l’occasion pour les élus lyonnais de montrer leur caractère moutonnier face à la mode du tout automobile… Cette erreur, nous la payons encore aujourd’hui, par un réseau sous-dimensionné qu’il a fallu recréer au prix fort. Les élus ont à nouveau succombé à la mode dans les années 1960, en choisissant de construire un métro. Certes, dix ans après avoir fermé de manière imbécile le réseau de tramway, les mêmes n’allaient pas se déjuger. Lyon a ainsi eu un réseau de métro dont le syndicat a réussi à trouver le financement.

Jusqu’à la fin des années 1990, le syndicat a traversé sans dommages les différentes tempêtes auxquelles il a été confronté. Il a connu la substitution de la communauté urbaine à la ville de Lyon en 1968, puis la décentralisation en 1983, en devenant le Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise (SyTRAL), puis l’explosion incontrôlée des coûts du pilotage automatique de la ligne D du métro. Mais, les évolutions législatives ont conduit le conseil général du Rhône et la communauté urbaine de Lyon à signer le 19 avril 1999 un accord dit de « décroisement » des financements. Ainsi, en échange du retrait de la communauté urbaine imposé par la loi de l’organisation des services d’incendie et de secours, le conseil général réduisait sa présence au sein du SyTRAL. Grâce à cet accord, la communauté urbaine a augmenté sa part dans le financement du SyTRAL à la hauteur de ce qu’elle dépensait jusqu’alors pour les services d’incendie et de secours. En contrepartie, le Conseil général a diminué sa contribution au SyTRAL d’autant pour financer le service d’incendie et de secours dont il avait désormais la charge. Conséquence logique de cette évolution dans le financement du SyTRAL, l’équilibre entre les deux collectivités dans cette institution était rompu et ce même accord actait en conséquence l’augmentation du nombre de représentants de la communauté urbaine à 16 au comité syndical, alors que le Conseil général restait représenté par dix élus. C’était le premier acte visible d’un processus de fragilisation.

Cependant, les prémices étaient bien antérieurs, puisque c’est en fait un arrêté ministériel du 6 juillet 1971 qui définit le périmètre des transports urbains (PTU) de l’agglomération. Et ce périmètre recouvre exactement les limites de la communauté urbaine. En dehors du PTU les dessertes assurées sous l’autorité du SyTRAL ne donnent lieu qu’à des compensations des communes sans rapport avec le bénéfice qu’elles retirent d’une desserte de qualité avec l’agglomération. Tant que le Conseil Général finançait pour moitié le SyTRAL, cette situation ne posait pas de difficultés, puisqu’il était possible de considérer que cette contribution permettait de compenser ce que les communes ne payaient pas. Comme ce n’est plus le cas, le SyTRAL s’est donc fort logiquement mis à rêver d’augmenter leurs contributions au fonctionnement du service. Cela voudrait donc dire que ces communes devraient intégrer, sinon la communauté urbaine, au moins le PTU. Ce qui indurait automatiquement l’instauration d’un versement transport pour les entreprises présentes sur leur territoire. Or toute la politique de développement de ces collectivités s’est basée sur la proximité de l’agglomération, en refusant d’en supporter les charges associées. En clair, elles font du dumping fiscal et vivent au-dessus de leurs moyens. Cette situation déjà injuste lorsque les conditions économiques étaient bonnes devient totalement insupportable lorsque la conjoncture économique se dégrade et que les budgets des collectivités qui ont à gérer le centre de l’agglomération, et donc la part la plus importante de sa population, sont fortement contraints.

Cette situation pourrait se résoudre facilement s’il y avait une volonté forte de l’État. Celui-ci, en activant ses leviers législatifs et réglementaires pourrait forcer des communes à intégrer le PTU. Au lieu de cela, le discours de l’État est globalement mou et sans consistance. Il assiste quasiment impuissant à l’entre-déchirement des collectivités locales, aux querelles d’égos des has-been de la politique lyonnaise (ont-ils seulement été un jour ?) autour de cette question, et est prêt à acter la disparition du SyTRAL. Le préfet du Rhône a même enjoint au Conseil général de se retirer du SyTRAL en s’appuyant sur les conclusions d’un rapport de la chambre régionale des comptes publié le 23 mai 2011. Car comme chacun sait, les chambres régionales des comptes sont les assemblées les plus pertinentes pour décider de comment doivent être organisés les transports urbains.

À l’aube des 70 ans du SyTRAL, une lutte de pouvoir féroce met en cause à court terme sa survie. Le Conseil général du Rhône menace de se retirer, car il estime, avec les évolutions législatives à venir et la constitution d’une métropole autour de Lyon, ne plus avoir à financer les transports dans le périmètre de la communauté urbaine. Cette menace est accompagnée de celle de la création d’un nouveau syndicat des transports départementaux auquel le Conseil général souhaite faire adhérer massivement les intercommunalités autour de Lyon… Une stratégie de siège en somme. Cette stratégie a été imaginée pour contrer l’ambition expansionniste du maire de Lyon dans le cadre de la création de la métropole. En effet, le Conseil Général ne sera plus territorialement compétent sur le périmètre de cette nouvelle entité. Son président la souhaite donc la plus petite possible en fédérant tous les opposants situés en périphérie et qui ont fiscalement à perdre s’ils venaient à êtres intégrés. Cette stratégie ne marche d’autant mieux que le maire de Lyon et son proconsul à la tête du SyTRAL n’ont qu’une stratégie : le passage en force et tout pour ma pomme. Ils n’hésitent d’ailleurs pas à employer quasiment le même vocabulaire d’intimidation qu’une bande mafieuse défendant « son territoire ». Ainsi, depuis plusieurs mois, la suspension des dessertes en dehors de la communauté urbaine (et donc du PTU) est brandie par le SyTRAL. Avec comme menace complémentaire, pour le cas ou les collectivités visées mettraient en place des dessertes de substitution, de leur interdire l’accès à l’intérieur de la Communauté urbaine… Bien que légale, ce serait une réaction de voyous !

De ce combat des chefs imbéciles, les usagers des transports en commun, qu’ils habitent et/ou travaillent sur la communauté urbaine de Lyon ou les autres communes desservies par le réseau ne peuvent qu’assister, impuissants, au sacrifice de leurs intérêts. Ceux-ci ne sont que peu de poids face aux luttes de pouvoir personnel d’un ministre ou d’un président de syndicat mixte. Ceux qui se vautrent avec concupiscence dans cette fange ignoble se drapent, comme toujours, dans la défense de l’intérêt général, mais c’est bien leur intérêt personnel (de prestige, de pouvoir, ou autre) pour leur fonction qui est en cause. Car ce ne sont pas eux, dans leurs véhicules de fonction qui vont subir les conditions de transport dégradées et les hausses de tarifs qui ne manqueront pas de découler d’une interruption du service TCL sur certaines communes.

Car disons le clairement, et le CGEDD, dans son rapport n° 007993-01 publié le 10 janvier 2012 le reconnaît, malgré le discours d’un ministre de la justice qui ne semble pas connaître son droit, il n’y a aucune obligation légale à ce que le département du Rhône sorte du SyTRAL, action qui entraînerait de facto la disparition du syndicat. Au contraire, il faudrait clairement étendre le périmètre d’action du SyTRAL (et éventuellement de la communauté urbaine de Lyon) afin d’assurer un service cohérent sur un large territoire, à l’image de ce qui se fait dans les métropoles allemandes, et à l’échelle de l’ambition internationale que certains prétendent avoir pour la ville…

Bibliographie : Labia Patrick, Schwartz Dominique. Modalités d’organisation des transports publics dans le département du Rhône et l’agglomération de Lyon. Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable. Rapport n° 007993-01. novembre 2011. 72p.
Chambre régionale des Comptes de Rhône-Alpes. Rapport d’observations définitives : Syndicat mixte des Transports pour le Rhône et l’Agglomération Lyonnaise ; SyTRAL (Département du Rhône) Exercices 2004 et suivants. 23 mai 2011. 76p.