Publié le 23-05-2012 à 18h16
À Lyon, la coordination entre la gestion des déplacements et l’urbanisation reste désespérément déficiente. Il suffit de constater combien la Part-Dieu est mal reliée à la Presqu’île pour dire que cela ne date pas d’hier. Aujourd’hui, c’est le quartier « au-delà des voûtes », rebaptisé Confluence (ça fait plus smart), figure de proue de l’urbanisme Lyonnais de ce début de XXIe siècle qui se retrouve confronté à des difficultés de déplacement majeures.
Ces difficultés auraient pu êtres anticipées et évitées si les urbanistes de la communauté urbaine et de la ville de Lyon avaient été associés à des spécialistes des déplacements, en coordination étroite avec le SyTRAL. Mais comme souvent à Lyon en particulier, et en France en général, le pouvoir politique est parti du principe habituel : « l’intendance (comprendre les capacités de transport) suivra. » Mais l’ouverture début avril du centre commercial, rebaptisé pôle de loisirs (ça doit aussi être plus smart) situé juste à côté du terminus de la ligne de tramway T1 de Hôtel de Région – Montrochet a démontré que l’intendance dans le domaine des transports ne suivait clairement plus à cet endroit.
L’ouverture de ce centre commercial est certes trop récente pour qu’on puisse en tirer toutes les conséquences. L’effet de nouveauté crée pendant les premières semaines, notamment les samedis, un afflux de badauds qui vient lourdement surcharger les réseaux de transports. Au bout de quelques temps cet effet va disparaître et laisser apparaître clairement les besoins courants. Néanmoins, un certain nombre de conclusions peuvent être tirées immédiatement :
Ces constats appellent différentes solutions, à court, moyen et long terme dont les plus faciles à réaliser sont déjà mises en œuvre. Ainsi, en réponse immédiate, le SYTRAL a créé les samedis un service partiel de la ligne T2 entre Jet-d’Eau – Mendès-France et Hôtel de Région – Montrochet (à titre anecdotique, une navette bus entre cette station et le métro B à Debourg a aussi été mise en route) C’est guère le maximum de ce qu’il est possible de faire en quelques semaines.
D’ici 2014, la ligne T1 du tramway va être prolongé à Debourg pour assurer la correspondance avec le métro B. Ce prolongement assurera un accès par le sud à ce quartier… Il serait d’ailleurs une bonne chose de faire un avenant au marché de travaux qui prévoirait la création de deux installations de terminus utilisables dans les deux sens de circulation, afin de pouvoir gérer le fonctionnement normal des lignes, mais aussi les situations dégradées comprenant des interruptions partielles de services. La première serait à Hôtel de Région – Montrochet (ou mieux au musée des Confluences, en prévision de son ouverture et de l’afflux de visiteurs), pour être utilisé par exemple par les tramways venant du Parc du Chêne (branche T2+, probable T5, mise en service à l’automne 2012 et dont le terminus est actuellement prévu à Grange Blanche). La seconde serait à Suchet, en prévision de la création de l’axe A7 du PDU entre Grange Blanche et Debourg. Ce qui autoriserait à l’avenir de faire passer T2+/T5 par cette voie, tout en permettant à cette ligne d’assurer à la fois la desserte du quartier Confluence et de la gare de Perrache en créant un maillage utile du réseau.
Il est cependant anormal que certains de ces aménagements n’aient pas été prévus lors de la construction de la ligne T1, car le syndrome Thiers – Lafayette devra à nouveau sévir. Ce syndrome se caractérise par la nécessité de casser des voies de tramway neuves pour les refaire afin de les adapter à un besoin qui n’a pas été anticipé, alors qu’il était prévisible. Cela se traduit par des interruptions de service dont la durée se chiffre en mois, au détriment des passagers.
À plus long terme, se posera la question de la création d’un lien direct avec la Presqu’Île. Certains réclament ainsi l’arrivée du métro à la confluence. Disons le tout net, cette solution, bien qu’intellectuellement satisfaisante n’est pas réaliste avant un terme de plusieurs décennies. Ceci car il faudrait reconstruire la station Perrache, qui est actuellement au niveau du sol, et donc un simple prolongement des voies existantes déboucherait au niveau du cours Charlemagne. Il faudrait donc créer un tube pour le métro sous les trémies de l’autoroute… En plein dans la nappe phréatique du Rhône. Ceci entraînerait probablement la fermeture de la ligne A entre Bellecour et Perrache durant au moins un an, avec un chantier de grande ampleur sur la place Carnot et la rue Victor-Hugo. Et le coût de cet aménagement serait absolument faramineux… Ceci alors que le SyTRAL se trouve désormais face aux échéances de renouvellement du matériel roulant du métro, qui va lui aussi demander des moyens financiers conséquents. Une solution élégante pourrait être la transformation de la ligne C10, au moins partiellement en tramway, entre la place de la Charité (ou pourquoi pas les Cordeliers ?) et Saint-Genis-Barolles (ou peut-être Brignais, le jour où Brignais sera intégré dans le périmètre de transports urbains du SyTRAL…)
La situation de thrombose du quartier Confluence plaide aussi pour que Lyon et son agglomération se dotent enfin d’une vraie réflexion à long terme sur l’articulation entre l’urbanisme et les transports. Ceci est d’autant plus nécessaire qu’il est au final plus coûteux de régler une situation dégradée, que de l’anticiper. Cette absence de coordination ne peut qu’amener une reproduction de plus en plus fréquente de ce genre de situations. De plus, en cette période ou certaines collectivités locales souhaitent récupérer toujours plus de compétences dans le cadre d’une décentralisation plus large, il semble indispensable qu’elles montrent qu’elles sont capables de s’organiser pour construire leur avenir de manière viable sur le long terme. Ce qui passe obligatoirement par une planification urbaine cohérente avec l’évolution des réseaux de transports.