Ferro-Lyon

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Un anneau venu du passé…

Publié le 13-11-2012 à 23h15

Le débat public sur le tronçon ouest du périphérique (TOP) autoroutier lyonnais a débuté le 10 novembre 2012 pour s’achever le 28 février 2013. Ce projet a désormais pas loin de quatre-vingt ans, puisque sa première figuration remonte à 1935, dans les plans de de circumliaison des voies d’accès à Lyon, dressé par C. Chalumeau, ingénieur en chef de la Ville. Au moment où les élus semblent vouloir le relancer et le parer des oripeaux de la modernité il est intéressant d’en retracer un historique rapide et de mette en évidence son caractère nocif sur l’urbanisation et les transports en commun.

Plans de de circumliaison des voies d’accès à Lyon. C. Chalumeau, 1935. (Doc. : Archives municipales de Lyon)

Plans de de circumliaison des voies d’accès à Lyon, dressé par C. Chalumeau, ingénieur en chef de la Ville, 1935. L’autostrade (terme de l’époque pour désigner les autoroutes) contournant Lyon par le nord et l’ouest est bien visible. (Doc. : Archives municipales de Lyon, 1541 Wp 157/3)

Le projet de TOP est donc inscrit depuis des décennies dans les différents schémas directeurs successifs de l’agglomération. En 1989 les élus ont souhaiter lier la construction du TOP et du périphérique nord. Ces deux projets, étaient la même expression d’imiter l’agglomération parisienne qui avait de termine son périphérique un peu plus d’une décennie auparavant : « Il faut boucler le périphérique lyonnais ». Comment ? En traversant l’ouest lyonnais vallonné. Pourquoi ? À l’époque, il n’est pas certain que les élus en ait eu la moindre idée. L’objectif était d’avoir une boucle comme autour de Paris… Pour être une « grande ville ».

Le projet de TOP aurait donc dû être réalisé dans les années 1990, à la suite de ce qu’est devenu le périphérique nord… Mais à cette époque, tout ne s’est pas passé comme prévu. Le maire de Lyon et président de la communauté urbaine de l’époque, Michel Noir, avait décidé de concéder le périphérique nord à une société privée, Trans Est-Ouest (TEO), qui aurait payé son investissement en prélevant des péages. La convention de concession prévoyait en outre que la communauté urbaine réduirait le nombre de voies de circulation sur un certain nombre d’itinéraires parallèles à cette nouvelle autoroute. Le principe énoncé par Michel Noir était que le périphérique nord ne devait rien coûter au contribuable (sauf le pont sur le Rhône et le tunnel sous la Duchère, bien qu’initialement à péage, ont été financés dès le départ en quasi totalité par des fonds publics)

Sauf que rien ne s’est passé comme prévu. La mise en service a été « dantesque » (selon le nouveau maire de l’époque, Raymond Barre), avec des embouteillages monstrueux, car tous les fléchages avaient été modifiés pour tenter d’envoyer sur cette nouvelle infrastructure les automobilistes qui eux, ne le voulaient pas. De plus, les voiries dont la réduction avait été prévue par le contrat de concession avaient été mise à leur nouveau gabarit simultanément. Suite à ce chaos, il n’a pas fallu plus de quelques jours pour que la communauté urbaine renonce à un certain nombre de restrictions de voies. De plus, peu après, le contrat de concession a été annulé par la justice, car il contenait des dispositions clairement illégales. Le périphérique nord étant alors tout juste construit, les collectivités locales ont été obligés de le racheter à ses constructeurs. La communauté urbaine et le conseil général du Rhône ont donc dû contracter un emprunt de plusieurs milliards de francs pour faire face à ce rachat. Le péage actuel sert rembourser cet emprunt et à entretenir l’infrastructure.

Les conditions scandaleuses de mise en service du périphérique nord qui ont excédé les lyonnais et l’endettement supplémentaire des collectivités qui en ont résulté ont imposé, sinon un abandon, du moins un report de longue durée du projet de TOP. Mais les élus n’ont pas abandonné l’idée. Loin de là ! Le syndrome du bouclage du périphérique est bien trop ancré chez eux.

Néanmoins, les temps ne sont plus les mêmes. Alors que dans les années 1980-90, la politique était ouvertement au tout voiture, on se rend désormais compte que les modes de vie de parts de plus en plus importantes de la population changent en profondeur, plus en raison de l’évolution des revenus et du coût des carburants que d’une réelle prise de conscience écologique. La circulation routière globale stagne, voir se réduit, alors que les transports en commun connaissent depuis plusieurs années des taux de croissance de fréquentation de plus de 7% annuellement. De plus, la préservation du cadre de vie et des espaces verts devient l’attente principale des habitants.

Dans un tel contexte, le TOP apparaît totalement anachronique. Les élus locaux conscient de l’hostilité grandissante ont donc rebaptisé le projet « anneau des sciences » (À Lyon, on avait déjà l’anneau bleu à l’est… Courage, on aura bientôt les 3, les 7 puis les 9… L’essentiel restant l’anneau unique « un anneau pour les gouverner tous, un anneau pour dans les bagnoles les amener, et dans l’ombre de la pollution les lier… » Alors qu’à l’Est les lumières atteignent un stade avancé, voir sont en train de griller, l’ouest est visiblement passé sous l’ombre de la tour sombre… Hum ^_^) Ce projet va coûter très cher, car compte tenu du relief et de l’urbanisation, il est prévu de le faire passer sur des longueurs significatives en souterrain. Le coût est estimé au moins à 2,2 milliards d’euros (hors chantiers annexes). Pour ce prix, on peut avoir 625 rames Citadis de 43 mètres, ou si vous préférez, 100 kilomètres de lignes de tramway avec réaménagement de la voirie de façade à façade… Pour faire passer la pilule, les élus prétendent que le TOP sera une opération « mixte », puisqu’en plus des 2,2 milliards pour le TOP, ils affirment dans le dossier de concertation vouloir consacrer 800 millions d’euros pour les transports en commun… Comme si ceux-ci ne nécessitaient qu’un tiers du total dépensé pour êtres significativement améliorés !

De plus, les échangeurs de cette infrastructure, étant donné les surfaces nécessaires pour assurer le tracé des bretelles, seront construits dans les derniers espaces naturels ou agricoles de l’ouest de l’agglomération. Est-ce l’avenir d’engloutir sous des tonnes de béton et d’enrobé bitumineux les derniers espaces de respiration de la proche banlieue lyonnaise ? Est-ce l’avenir de détruire encore des habitats d’espèces protégés ? Est-ce l’avenir de condamner les gens à vivre dans des espaces toujours plus bétonnés et pollués ?

Plan directeur du Groupement d’urbanisme de la région lyonnaise, 1962. (Doc. : Archives municipales de Lyon)

Plan directeur du Groupement d’urbanisme de la région lyonnaise, dressé par les architectes et urbanistes René Gagès et Frank Grimal, publié le 2 février 1962. Une nouvelle fois, presque 30 ans après sa première esquisse, le TOP apparaît sur un document de planification officiel. (Doc. : Archives municipales de Lyon, 5 PH 35794)

Enfin, qui va réellement utiliser cette infrastructure ? Les présidents de la communauté urbaine et du conseil général prétendent que cet axe va désengorger l’axe A6/A7 et le tunnel de Fourvière… Tout comme, en leur temps, auraient dû le faire le tronçon nord du périphérique et la rocade est ! Aux vues des expériences passées, ces arguments ne sont que des fadaises et des illusions trompeuses. Le TOP ne fera, comme toutes les autres infrastructures autoroutières créées avant lui, que contribuer à l’augmentation des déplacements automobiles, et sera de plus un facteur de ségrégation sociale puisqu’il s’agira d’une autoroute à péage. On nous demande de croire une nouvelle fois à aux arguments fallacieux mainte fois resservis depuis des décennies de « désaturation du réseau », au prétexte que cela permettrait peut-être, de « pacifier » l’axe autoroutier A6/A7 dans Lyon et de le réaménager pour y réduire le trafic. Or c’est faux, tous les exemples antérieurs depuis plus de 40 ans l’attestent. Et ce aussi bien à Lyon que dans toutes les autres villes du monde. Le TOP n’est en rien différent du tronçon nord du périphérique ou de la « rocade des villages » que devait être la rocade est ! Il n’est que la suite du plan global dessiné il y a des décennies des infrastructures existantes ! Cette autoroute, en améliorant fortement les liaisons entre l’ouest et le reste de l’agglomération, a de plus toutes les chances de renforcer l’explosion immobilière que ce secteur est en train de connaître (Pour s’en convaincre, il suffit de traverser Francheville et Craponne par la RD 489) Et donc au final de créer de nouveaux trafics qui à la fois viendront engorger le TOP, mais aussi toutes les infrastructures existantes, y compris le tunnel de Fourvière. Ceci alors que les transports en commun dans le secteur, comme d’ailleurs dans le reste de l’agglomération, malgré LEOL et le tram-train de l’ouest lyonnais, restent très largement en deçà des besoins.

Il est tout de même frappant de constater combien le président actuel de la communauté urbaine, Gérard Collomb et le président du conseil général du Rhône investissent dans les modes routiers par centaines de millions (pont Schumann sur la Saône, 2nd tube du tunnel de la Croix-Rousse, boulevard urbain sud, boulevard urbain est et maintenant TOP) alors que les transports en commun, de plus en plus utilisés, restent à la traîne. Est-on à 2, 3 euros ou plus dépensés pour la voiture pendant qu’on en dépense péniblement 1 pour les transports en commun ? Peu importe ! La voiture, en perte de vitesse, car devenant un luxe pour une bonne partie de la population, est délibérément favorisée. Or les transports en commun nécessaires au plus grand nombre saturent et sur plusieurs lignes, ça déborde (Le métro D et le trolleybus C3, en sont les exemples les plus connus) !! L’argent prévu pour le TOP doit donc être utilisé au service du plus grand nombre pour développer les lignes de tramway utiles aux besoins quotidiens de la population et allonger les rames du métro. Le TOP est spectre venu du passé de l’automobilisme triomphant. Il n’a rien à faire dans notre époque et il est temps de renvoyer ce projet révolu à l’endroit qu’il n’aurait jamais dû quitter et où il mérite de terminer sa carrière : le néant !

NON au TOP, NON à l’anneau des sciences, OUI au tram et au métro !!!