Publié le 06-01-2014 à 22h24
Alors que les élections municipales de mars 2014 approchent à grands pas, bien peu de candidats semblent porteurs de projets globaux concernant les transports en commun lyonnais. Le mandat qui va s’achever montre déjà un manque de vision à long terme des élus de la communauté urbaine dans les domaines de la planification et des transports. Or l’agglomération, que certain voient déjà comme une « métropole » a des besoins en matière d’organisation de l’espace et de déplacements.
Certains candidats à l’élection ressassent des vieilles lunes lyonnaises, comme un RER entre Saint-Paul et Part-Dieu, sans voir que le contexte local a fortement évolué depuis quelques décennies. En effet, deux choses sont venu considérablement affaiblir l’intérêt de cette opération dont le coût ne pourrait qu’être très élevé. Tout d’abord, il y a le déclin économique de plus en plus évident du nord de la Presqu’Île. Les entreprises et commerces ont d’abord déserté les pentes au-dessus des Terreaux et le phénomène progresse maintenant vers le sud. La partie de la rue de la République au nord des Cordeliers se meurt petit à petit. De plus, l’échec cinglant du projet commercial du secteur Grolée est venu fragiliser durablement l’ensemble de la structure entre les places des Cordeliers et de la République. On remarque aussi depuis une vingtaine d’année une évolution progressive des enseignes vers des commerces de qualité moindre, voir des chaînes plutôt bas de gamme sur la rue de la République. Signe d’un changement de clientèle. Bref, le nord de la Presqu’Île, s’il reste le centre du pouvoir lyonnais, n’a plus l’ampleur économique qu’il avait dans les années 1970. Ensuite, il y a eu la création de la ligne D du métro donnant la correspondance aux trains venant de l’Ouest Lyonnais à Gorge de Loup. Cette ligne passe par la partie désormais la plus active de la Presqu’île, à la Place Bellecour, et donne la correspondance à la ligne B permettant de rejoindre la Part-Dieu. Enfin, avec le développement souhaité par les élus de la confluence et de Gerland, si une liaison lourde devait être envisagée entre l’ouest et l’est de l’agglomération, il serait bien plus pertinent de lui faire faire un détour par ce secteur.
Ce projet de RER, qui ne peut désormais qu’être un repoussoir, absorberait à lui seul probablement une décennie de budget d’investissement du SyTRAL. Or dans le même temps, la croissance de l’utilisation du réseau fait que les lignes craquent de toute part. Ainsi, le trolleybus C3, le tramway T2 ou encore le métro D montrent chaque jour leur faiblesse. D’autre part, certains secteurs restent mal desservis. Ainsi, le sud-ouest de l’agglomération, quoique sa desserte ait été améliorée par l’arrivée du métro reste largement enclavé et justifierait d’un maillage renforcé. Ceci sans même évoquer les hôpitaux est, le centre de Vaux-en-Velin, Saint-Fons, le Val de Saône ou le secteur d’Écully-Limonest. Bref, les besoins sont immenses tant sur les secteurs à desservir que sur les amplitudes. Car le travail en horaires décalés se développe de façon importante, sans pour autant qu’une offre de transports en commun soit mise à disposition des personnes travaillant la nuit. De nombreuses lignes de bus s’arrêtent à 20h ou 21h ou au mieux 22h, surtout en banlieue. Ne parlons même pas de la possibilité de sortir le soir en transports en commun qui n’existe pour beaucoup tout simplement pas. Sur cet aspect, Lyon ressemble finalement à une sous-préfecture provinciale : 22h ! Un bromure et au lit !
En matière d’amélioration de desserte, le mandat qui s’achève relève d’ailleurs plus de la politique de gribouille que d’une vision d’ensemble. Le PDU approuvé en 1997 et révisé à la marge en 2005, frappé d’obsolescence, n’a quasiment pas servi d’axe directeur aux projets lancés à partir de 2008. Alors qu’il aurait dû être révisé pour redéfinir des orientations de développement du réseau afin de satisfaire les besoins, on a au contraire privilégié le développement de projets ponctuels non coordonnés. C’est le cas du tramway à Eurexpo ou encore au grand stade. Ces tronçons de réseau, du fait de leur faible fréquentation annuelle sont appelés à faire porter durablement des coûts élevés d’exploitation sur les budgets. La ligne T5 justifie sa capacité que quelques jours par an. Le reste du temps les charges qu’elle engendre pour chaque passager transporté devraient interroger sur l’efficience de cette dépense. Le PDU devrait être révisé dans les deux ans qui viennent, cependant, compte-tenu du rythme des élections, cela signifie que pendant tout le mandat à venir aucun des projets qu’il contiendra ne sera réalisé. On va donc probablement voir émerger, comme en 2008, des projets ponctuels. On entend déjà certains candidats parler du métro B à l’hôpital Lyon-Sud, d’un tramway entre Debourg et Mermoz, sans oublier la desserte en tramway du grand stade. Est aussi évoqué la réalisation d’un site propre pour les trolleybus de la ligne C3 dont les véhicules surchargés et fragiles seront probablement bons pour la ferraille lorsqu’il sera fait. Ces projets sont tout juste des rustines et du saupoudrage, et ne sauraient définir une politique globale.
Si Lyon veut devenir une vraie métropole, il faut que les lignes de transport en commun répondent aux besoins de la population présente et à venir. C’est-à-dire qu’il faut prendre en compte les secteurs déjà urbanisés, et ceux qui sont appelés soit à être urbanisés soit à se densifier, et ce aussi bien pour l’habitat, le commerce ou les activités économiques. Il faut définir lesquels de ces secteurs ont besoin d’être reliés entre eux, et selon quelle capacité. Si on se livre à cet exercice, on voit que dans Lyon même des secteurs comme Montchat vont nécessiter une meilleure desserte rapidement. De même, dans le sud-ouest de l’agglomération, dépenser 200 millions au moins pour amener le métro aux hôpitaux sud n’offrira pas une desserte correcte au secteur. La création d’un réseau de tramway à plusieurs branches (vers Sainte-Foy, Saint-Genis et Chaponost) pour un coût global proche pourrait offrir de meilleurs services et des solutions de mobilité bien plus efficaces. Ne faudrait-il pas aussi transformer la ligne C3 en tramway ? Ou bien doit-on desservir Vaulx-en-Velin au départ des Charpennes par l’avenue Roger-Salengro ? Quelle desserte pour les hôpitaux est ? Une ligne ou plusieurs dans des directions différentes ? En bus ou en tramway ? Etc, etc.
Souhaitons que les futurs élus sortent des errements du mandat qui se termine pour aller vers un développement clair des transports en commun sans poursuivre sur la voie sans issue dans l’autopartage ou autre gadgets qui ne pourront au mieux satisfaire les besoins que de quelques milliers de personnes, alors que le nombre de déplacement en transports en commun se chiffre quotidiennement sur l’agglomération en centaines de milliers.