Publié le 01-07-2007 à 12h07
En ces temps post-électoraux, où le développement durable est servi à toutes les sauces, il me semble intéressant de revenir sur la notion de développement durable, et son impact sur l’articulation entre l’urbanisation et les transports.
L’expression « développement durable » contient en elle-même, si l’on prend simplement l’association de ces deux mots, tout et son contraire. En effet, comment comprendre ces 2 mots associés ? Doit-on considérer qu’il faut se développer en construisant des infrastructures qui seront très solides pour être durables ? Auquel cas, n’importe quelle édifice construit aussi solidement que possible correspond à la définition. Il suffit de voir les bunkers de la seconde guerre mondiale, qui ont prouvé leur durabilité.
En fait, les « experts » nous expliquent que la durabilité du développement d’une infrastructure ne doit pas définir sa résistance au temps, mais la satisfaction de critères écologiques, économiques et sociaux pour sa réalisation. Tout un système de grilles d’analyse a été mis au point pour vérifier que n’importe quel projet rentre dans ce cadre. En effet, les grilles d’analyse ne sont en fait pas utilisées pour juger de la validité du projet, mais pour trouver tous les arguments justifiant le projet et sa réalisation dans les domaines écologiques, économiques et sociaux. Elles permettent aussi de repérer les angles d’attaque possible pour les opposants, et d’en désamorcer un certain nombre par des adaptations mineures.
Bref, le développement durable tel qu’il est vu par les ingénieurs et les politiques n’est rien de moins qu’un habile enrobage d’une politique de développement à l’opposé d’une vraie protection de l’environnement. Pour mieux comprendre, penchons nous sur un cas concret : la mise à 2x3voies de l’autoroute A42 entre Beynost et Pérouges, avec l’ouverture de l’échangeur de Montluel-La-Boisse. Ces deux opération accompagnent une hausse du trafic autoroutier dans le secteur. Si on applique (sommairement, mais une application détaillée donnerait juste quelques arguments supplémentaires) les grilles jugeant du développement durable, on s’aperçoit que cette opération est tout à fait conforme aux objectifs :
Bref, la construction du nouvel échangeur et l’élargissement de l’autoroute sont d’une utilité tellement évidente, qu’on se demande même presque pourquoi cela n’a pas été fait avant !… Et pourtant, tous ces arguments ne tiennent pas compte d’une seule chose : l’environnement (dans tous les sens du terme) de l’infrastructure ! À rarement plus de 500 mètres à vol d’oiseau de l’autoroute se trouve une ligne de chemin de fer desservie par des TER et les trains de marchandises et dont la vocation est aussi de désenclaver ces territoires. La desserte est régulièrement renforcée sur cette voie qui assure un service tout à fait performant (Si vous n’y croyez pas, essayez de faire le trajet en voiture entre la gare de Montluel et la Part-Dieu entre 7h et 8h du matin en 20 minutes.) La réalisation de l’élargissement de l’autoroute et du nouvel échangeur risque d’inciter un certain nombre de personnes à se détourner du train pour les trajets quotidiens, et donc d’apporter aux autres utilisateurs une dégradation du service, ou tout au moins en retarder l’amélioration.
De plus, cette opération autoroutière va avoir un effet pernicieux, en renforçant l’étalement urbain. En effet, l’accélération de la circulation qui en découle va inciter un certain nombre de familles à s’installer dans des secteurs qui étaient jusqu’à présent jugés trop éloignés de Lyon. Ceci va conduire à consommer pour l’urbanisation des espaces actuellement dévolus à l’agriculture. Ces nouveaux arrivants vont provoquer mécaniquement une augmentation de la circulation. Ce qui va conduire à plus de consommation d’énergie, donc plus de pollution et mener à une nouvelle saturation de l’autoroute et des voies routières du secteur… Un vrai cercle vicieux ! Pire que tout, ce raisonnement peut s’appliquer quasiment à l’identique sur toutes les opérations autoroutières du secteur, que ce soit l’A89, l’A45, le TOP, le contournement ouest !
Bref, la notion de développement durable est une vaste tromperie, car elle peut être détournée pour satisfaire n’importe quelle demande (avec une grille de développement durable, on pourrait quasiment justifier la construction d’un aéroport international de la taille de Roissy au milieu du Sahara, à plus de 1 000 km de n’importe quelle ville… Voir même prouver que la transformation de la rue de la République en autoroute à 2x6 voies est indispensable à la vie lyonnaise !) C’est pour cela qu’il vaut bien mieux employer les notions de gestion économe de l’énergie et de l’espace. Ces notions favorisent 2 choses : en premier lieu, la réalisation d’une ville compacte, où les déplacements sont sur des distances plus courtes (réduction des déplacements à la source), et en second lieu, le développement des transports en commun, et l’urbanisation de long de leurs lignes (optimisation des moyens nécessaires à la satisfaction des déplacements de chacun) Certes, ce mode de pensée est moins consensuel que le concept flou de développement durable. Il est aussi moins facile à concrétiser, mais c’est le seul viable et vivable à long terme. Notre avenir ne passe définitivement pas par l’autoroute et le développement durable, mais bien par le train et tous les transports en commun et la gestion économe de l’espace et de l’énergie !