Ferro-Lyon

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22 v’la les COP

Publié le 24-12-2015 à 11h30

Le gouvernement se targue d’être un grand défenseur de l’environnement et du climat après avoir organisé à la fin de l’année 2015 une conférence mondiale sur le sujet à Paris dite COP21. Notons que cette conférence est sponsorisée par de grandes entreprises dont les penchants écologiques ne sont plus à démontrer : Dans les groupes de vendeurs d’énergies fossiles garantie propres et sans dioxyde de carbone il y a Engie (ex GDF Suez) et EDF. Le lobby du véhicule sans rejet est représenté par Renault Nissan, Michelin et Suez Environnement. Les transports “à faible empreinte carbone” par Air France, et les meubles écologiques 100% en bois d’arbre, créés en circuits courts, qui n’émettent pas de substance toxiques par Ikéa. Bref, une belle convention internationale avec des engagements forts, écrits à l’encre sympathique sur des papier recyclables qui sont déjà soigneusement rangés dans le bac jaune puisque les lampions sont éteints.

Car ne rêvons pas, l’accord « contraignant » signé ne fait finalement que la liste des engagements volontaires des États, qu’ils respecteront ou pas sans encourir aucune sanction. De toutes façons les principes généraux se limitent à une liste de souhaits et de vœux pieux qui relèvent au mieux de l’auto-persuasion et au pire du mensonge éhonté.

Ceci n’est qu’un acte de plus dans la sinistre farce auquel le gouvernement actuel se livre comme ses prédécesseurs, mais probablement à une échelle encore plus grande. Car si les discours sur la protection de la planète sont grandiloquents (pour ne pas dire grandguignolesque), les faits sont têtus et l’écologie est de plus en plus ouvertement sacrifiée.

L’actuel gouvernement a tout d’abord sabordé l’écotaxe sur la circulation des poids-lourds, en cédant au lobby des entreprises routières. Aux coûts faramineux de la résiliation des contrats passés avec le prestataire chargé du recouvrement de cette taxe s’ajoute celui du démontage des portiques et équipements de contrôle. L’écotaxe était sensée abonder le financement des transports plus écologiques à raison de plusieurs centaines de millions d’euro par an. Son abandon coûtera probablement au final de l’ordre de 2 milliards dépensés en pure perte et sans espoir de retour. C’est de la non-écologie doublement punitive.

Visiblement les transports et les déplacements collectifs urbains doivent être réservés au riches, comme le pense et le dit aussi un ancien (enfin !) président du SyTRAL. La TVA dans le domaine est donc passée de 5,5 à 10 %. Résultat : une hausse du coût des déplacements qui frappe le plus durement ceux qui ont des revenus modestes. Les ressources des agglomérations pour le développement et le fonctionnement de leurs réseaux de transport en commun sont aussi de plus rabotées par le relèvement du seuil de prélèvement du versement transport qui s’appliquera non plus au entreprises de 9 salariés, mais seulement à partir de 11. Globalement cette mesure va faire perdre annuellement plus de 500 millions d’euros aux réseaux de transports en commun. Elle sera fatalement compensée par des hausses de tarifs ou des réductions de desserte… voir les deux à la fois. En de nombreux points du territoire, les habitants ont déjà le choix pour leurs déplacements entre la voiture… et la voiture. Le gouvernement fait ouvertement le choix d’agrandir ces zones désertées par le service public. Encore un résultat écologiquement probant.

Les transports publics et leur développement n’ont visiblement d’ailleurs aucun intérêt dans le cadre de la lutte contre la pollution et le réchauffement climatique. En effet, ils ne sont pas mentionnés dans la loi sur la transition énergétique. Par contre le gouvernement a bien prévu un plan de relance autoroutier de 3,2 milliards d’euros et la ministre du développement du râble, de la démagogie et du Nutella® a même été jusqu’à proposer la gratuité des autoroutes le week-end avant de reculer. Les transports, principalement routiers, représentent seulement 26 % des émissions de gaz à effet de serre… Un détail probablement.

Toujours pour limiter les rejets de gaz a effet de serre, le gouvernement a décidé de libéraliser le transport par autocar en concurrence frontale avec les trains express régionaux tenus à bout de bras par les régions sans mise en concurrence possible d’un prestataire connu pour ses prix des trains*kilomètres exorbitants. En effet, au-delà de 100 kilomètres, les autocaristes peuvent librement développer leurs offres. En dessous de 100 kilomètres, ils doivent solliciter l’avis des régions. Ces derniers points sont redoutables, car on voit qu’ils posent immédiatement la question de la concurrence « libre et non faussée » sur toutes les liaisons concernées. Or les TER™ sont lourdement subventionnés, y compris sur des itinéraires comme Lyon-Grenoble. Ne va-t-on pas voire très rapidement des autocaristes demander, soit à bénéficier de la part des régions du même avantage compétitif que la SNCF, soit se lancer dans des batailles judiciaires jusqu’à la cour européenne de justice pour faire casser les tarifs ferroviaires artificiellement réduits ? C’est vrai en Rhône-Alpes, mais cela l’est encore plus dans les régions qui ont institué des tarifs à 1€ le trajet quelque soit la distance.

Et ce n’est pas fini ! En 2015, étrangement, les autorités de sécurité ferroviaire se sont rendues compte que les autorails X73500 dédiés aux dessertes des lignes secondaires à la satisfaction de tous depuis 19 ans étaient « dangereux » lorsqu’ils circulent seuls. Résultat, ils roulent maintenant systématiquement par deux, ce qui cause une pénurie grave de matériel et à conduit à transférer sur route « temporaire » quelques dessertes déjà fragiles : Volvic au Mont-Dore, de Thiers à Boën-sur-Lignon… De plus, l’évolution des règles d’amortissement comptables du matériel roulant a convaincu la SNCF que les séries ayant plus d’une vingtaine d’année coûtent cher et doivent être envoyées rapidement à la casse. Ceci alors que la durée de vie technique d’un matériel est d’au moins 40 ans pour peu qu’il soit entretenu correctement. La casse a commencé avec les vieux TGV et va se poursuivre avec le ferraillage prochain des X72500 estimés non fiables et dont la SNCF ne veut surtout pas envisager la fiabilisation. D’ici cinq ans, pour la desserte régionale, il ne devrait rester que des AGC, des Régiolis™, des TER 2N et des Regio2N. Ces séries, malgré le nombre d’exemplaires disponibles, ne pourront pas tout faire. Le manque de matériel roulant va donc conduire très rapidement à de nouvelles fermetures « temporaires » de lignes. En cohérence avec cette politique sur le matériel roulant, dès 2016, le ministère des Finances, où se décide désormais le fonctionnement des transports sans que le ministère concerné n’ait son mot à dire, vient de décider de sabrer massivement dans les subventions d’entretien du réseau ferroviaire. Ce sont désormais de nombreuses lignes qui sont donc directement menacées à court terme, y compris celles utilisées pour des dessertes de banlieue autour des grandes villes. Il est aussi probable que l’État se désengage largement de son rôle d’autorité organisatrice des « trains d’équilibre du territoire » dits aussi « intercités » dès l’été ou l’hiver 2017 en constatant simplement que plus de la moitié des lignes de jour ne concernent que 2 régions. Si la disposition législative un temps envisagée visant à définir les trains d’équilibre du territoire comme devant traverser au moins 3 régions a officiellement disparu des radars, il ne fait guère de doutes qu’elle s’appliquera tout de même. Et ne parlons même pas des trains de nuit dont la suppression est corrélée à la fin de vie prochaine et sans remplaçant du matériel roulant adapté et non à l’absence de demande ou de besoin.

Pour masquer ces décisions déjà prises, le président de la SNCF a allumé un contre-feu pratique et classique : Le temps de travail des cheminots. L’objectif est simple, c’est que les éventuelles protestations contre la casse de leur outil de travail et le démantèlement des dessertes secondaires soient noyées dans des débats oiseux, qu’affectionnent tant les médias aux ordres, sur les privilèges et la paresse supposés des cheminots. Remarquons au passage que la SNCF a supprimé plus de 1 100 postes en 2015 et va en supprimer au moins 1 400 en 2016. Ce n’est que la poursuite de décennies de plans sociaux au cours desquels l’entreprise a perdu des dizaines de milliers de salariés. Et d’ici 2020, il est annoncé la suppression de 11 à 13 000 postes supplémentaires. Il y a quelques mois le ministre de l’Économie annonçait fièrement que la libéralisation du transport par autocars, selon ses estimations au doigt mouillé, aurait créé 700 emplois, soit un poste créé pour les autocars lorsque vingt sont supprimés dans le ferroviaire. Dans ce contexte, comment les cheminots et les défenseurs des chemins de fer pourraient être optimistes ?

Les seuls petits points peut-être positifs à moyen terme sont ceux issus de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République qui prévoit le transfert des quelques infrastructures ferroviaires départementales subsistantes au régions et la substitution des régions aux conseils généraux au sein des autorités organisatrices de transport urbain (renommées autorités organisatrices de mobilités). Leurs effets combinés pourrait permettre sur l’agglomération lyonnaise de débloquer d’ici quelques temps le dossier du prolongement de la ligne T3 de Meyzieu à Crémieu en écartant le très frileux conseil général de l’Isère de ce dossier… On voit que cette disposition va aussi produire des effets significatifs en PACA : la fusion des activités ferroviaires de la RDT 13, qui dispose d’une licence pour circuler sur le réseau ferré national et de la régie régionale des transports qui exploite la ligne de Nice à Digne pourra, si l’exécutif régional le souhaite, intervenir rapidement. Même si cette structure publique restera petite par rapport à la SNCF, le fait qu’elle assure des missions de desserte à la fois pour les voyageurs et les marchandises va poser avec une acuité renouvelée la question de l’exploitation du service publique ferroviaire voyageurs sur le réseau ferré national par une autre structure que la SNCF.

Ce que l’on peut aussi envisager à moyen terme, c’est l’exploitation de lignes en libre accès par des opérateurs étrangers. Ainsi, la DB et Virgin trains font circuler leur matériel roulant en France en vue de préparer son homologation. Il est évident que ces opérateurs immatriculeront leur matériel dans le pays permettant le meilleur amortissement financier et qu’ils vont mettre en œuvre des stratégies de desserte leur permettant de limiter au maximum les coûts de péages. Par exemple, il ne serait pas étonnant, comme pour les compagnies aériennes à bas coûts qui desservent des aéroports secondaires, de les voir éviter les arrêt dans les gares où les péages sont les plus élevés. Dans quelques années, pour voyager dans de bonnes conditions de coût, de confort et de sécurité, les lyonnais devront-ils aller prendre les trains à Saint-Germain-au-Mont-d’Or, Givors ou Bourgoin ?…

En attendant, la COP22 à Marrakech en 2016, pendant que notre maison brûle, que les faisceaux de Baroncourt, Sotteville, Saint-Saulve, Versailles-Matelots, Villeneuve-Saint-Georges, Saincaize, Saint-Germain-au-Mont-d’Or, Culoz, Ambérieu… se remplissent de matériel en attente de ferraillage et que la route tue directement et indirectement des milliers de personnes par an, comme la cigale nous pourrons chanter au-delà de l’été :

Approche-toi petit, écoute-moi gamin
Je vais te raconter l’histoire de l’être humain
Au début y’avait rien au début c’était bien
La nature avançait y’avait pas de chemin
Puis l’homme a débarqué avec ses gros souliers
Des coups de pied dans la gueule pour se faire respecter
Des routes à sens unique il s’est mis à tracer
Des fleches dans la plaine se sont multipliés
Et tous les événements se sont vus maitriser
En deux temps trois mouvements l’histoire était pliée
C’est pas demain la veille qu’on fera marche arrière
On a même commencé à polluer les déserts

Il faut que tu respires
Et ça c’est rien de le dire
Tu vas pas mourir de rire
Et c’est pas rien de le dire

Mickey 3D, Respires, 2003.