Publié le 28-05-2016 à 20h10
Les élections pour le renouvellement du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes ont eu lieu, comme dans les autres régions, il y a un peu plus de 6 mois. Il est donc temps de faire un premier bilan de l’action des nouveaux élus dans le domaine ferroviaire.
Bien sûr, le nouveau président de région, parisien pur sucre déguisé en péquenot ponot dont les dents arrachent le parquet peut se vanter d’une réussite capitale : la gare de Paris-Bercy où arrivent les trains en provenance de Clermont-Ferrand va être rebaptisée gare de Paris-Bercy-Bourgogne-Pays d’Auvergne (ouf !). Cette réussite planétaire, sinon galactique marquant la suprématie du bleu d’Auvergne sur la tomme de Savoie (qui, elle, n’a pas de gare à Paris) ne réussit pas à masquer un début de mandat très inquiétant.
Ainsi, le nouvel exécutif ne s’est pas opposé à la SNCF sur la fermeture de la ligne ferroviaire entre Volvic et le Mont-Dore. Cette fermeture prive le massif du Sancy, qui ne regroupe « que » 45% des capacités hôtelières du Puy-de-Dôme, d’une desserte fiable et confortable à même de conforter l’économie touristique du secteur. On peut rétorquer que les derniers autorails ont circulé sous l’ancienne mandature. Cependant on constate que la SNCF n’a démantelé la signalisation et neutralisé définitivement l’accès à la gare du Mont-Dore qu’en avril 2016. Le nouvel exécutif avait donc tout le temps de choisir et il l’a fait.
Le 5 juillet 2014, date de sinistre mémoire entre Laqueuille et Ussel, l’X73676 stationne quelques minutes en gare du Mont-Dore après s’être vidé des nombreux voyageurs qui l’avaient pris pour se rendre dans cette station climatique et touristique. L’état du quai et les rails à double champignon plus qu’octogénaires, ne laissent déjà plus trop de doutes sur l’avenir de la ligne.
Pire, le 24 mai 2016, la liaison ferroviaire directe entre Clermont-Ferrand et Saint-Étienne est « suspendue » entre Thiers et Boën-sur-Lignon (puis Montbrison au 1er juillet) par la SNCF, officiellement pour l’été 2016 « en raison des fortes chaleurs », mais il est évident qu’aucune reprise n’aura lieu à l’automne. Ceci d’autant que l’interruption des circulations sera mis à profit pour supprimer les équipements de cantonnement, rendant par là même la reprise des circulations impossible. Ce service a été délibérément anéanti petit à petit par la SNCF au seul profit des liaisons routières par autocar sur l’autoroute parallèle. Alors que la région est tout juste créée, il est fascinant de constater que cette suppression de service vient imposer un isolement entre les deux anciennes régions Auvergne et Rhône-Alpes. Cette suppression de ligne doit être une des rares en Europe entre deux villes de cette taille aussi proches l’une de l’autre. Là aussi, le nouvel exécutif a fait son choix.
Le 23 novembre 2014, alors que l’hiver s’installe dans la vallée de la Durole, un couplage d’autorail mené par l’X73581 traverse le viaduc du Grand Tournant en direction de Saint-Étienne. Juste derrière lui se trouve le disque avancé de la gare de Thiers.
Ces deux fermetures ne présagent rien de bon pour la suite. La liste des lignes en sursis est longue. Aux confins de la région, les liaisons d’Aurillac à Brive-la-Gaillarde, de Neussargues à Millau, d’Arvant à La Bastide – Saint-Laurent-les-Bains, de Livron-sur-Drôme à Aspres-sur-Buëch, de Vif à Aspres-sur-Buëch, d’Oyonnax à Saint-Claude, de Lamure-sur-Azergues à Chauffailles, de Moulin à Digoin, et de Montluçon à Guéret sont menacées à des échéances plus ou moins proches. À l’intérieur même de la région, les lignes de Saint-Georges-d’Aurac au Puy-en-Velay, de Lozanne à Tassin-la-Demi-Lune sont aussi sur la sellette.
Le 5 mai 2016, alors que le printemps pénètre enfin dans la vallée des Rouets, un couplage d’autorail X73500 va s’engager sur le viaduc de Granetias (ou de la Roche-Noire) en direction de Clermont-Ferrand. À l’arrière-plan se trouve le hameau de Château-Gaillard, sur la commune de Thiers.
Alors que la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées a lancé des états généraux du rail et de l’intermodalité pour ouvrir au public le plus large le débat sur la consistance du réseau ferroviaire régional, l’exécutif de la région Auvergne-Rhône-Alpes fait ses choix dans la plus grande opacité. Les comités de lignes qui avaient été créés par les anciennes régions Auvergne et Rhône-Alpes sont dans le coma sans qu’une volonté de les en tirer s’exprime.
Le 23 novembre 2014, l’X73537 stationne en gare de Noirétable avant de repartir vers Saint-Étienne. Le bâtiment est totalement fermé et la voie d’évitement ne fait déjà plus que de la figuration.
Bref, la politique ferroviaire de la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes semble être en train de se calquer sur celle très régressive de l’ancienne région Auvergne, depuis longtemps axée sur une contraction du réseau et une politique très malthusienne sur les lignes conservées. C’est une rupture très nette avec le dynamisme qu’avait impulsé la région Rhône-Alpes avec un certain nombre de réouverture de lignes et de renforcements lourds de desserte en particulier sur les dessertes périurbaines. Toutefois, sur la partie anciennement Rhône-Alpes, beaucoup plus peuplée que l’ancienne Auvergne, une telle stratégie de régression va rapidement se heurter aux limites de saturation du réseau routier qui sont déjà largement atteintes aux heures de pointe à l’entrée de toutes les grandes agglomérations. Et ce n’est certainement pas le projet de nouvelle autoroute entre Lyon et Saint-Étienne qui facilitera l’entrée déjà très compliquée dans ces deux villes.
L’exécutif régional a fait des choix très négatifs sur le réseau ferroviaire. Il s’engage dans la voie d’un démantèlement progressif qui va finir par aboutir à un réseau « noyau ». Un tel réseau minimal, si cette option est confirmée, sera un handicap très lourd, voir insurmontable pour toutes les parties de la région qui seront isolées. Une telle stratégie va rendre très vulnérables toutes les industries à l’écart des grands axes et risque de pénaliser lourdement l’économie touristique qui est le moteur d’un certain nombre de territoire. Le tourisme, d’ailleurs, n’est visiblement regardé qu’au travers du prisme étroit des canons à neige artificielle qui vont être largement subventionnés (une absurdité alors que d’ici peut-être dix ans, avec le réchauffement climatique, seules les stations les plus hautes des Alpes pourront vivre du ski.) Et ceci n’est qu’un aspect de l’aménagement du territoire de la région. Pour le reste, le développement économique semble être vu au travers d’une politique de guichet à subventions à caractère clientéliste et l’aménagement de l’espace avec un équilibre entre rural et urbain a disparu des radars. Il n’est pas certain que le président de région, qui aspire semble-t-il à des fonctions plus élevées dans l’année qui vient, se préoccupe de l’impasse dans laquelle il précipite les territoires de la région…