Publié le 20-12-2018 à 12h18
Le SyTRAL vient de décider une hausse importante des tarifs du réseau TCL à la fois pour 2019, mais aussi pour 2020. Cette hausse sévère suit une série d’autres, certes plus modestes, mais systématiques depuis plus de dix ans, ceci alors que l’INSEE indique que l’inflation est très réduite depuis plusieurs années. Des arguments sont invoqués pour justifier ces évolutions. Toutefois, ils restent largement contestables.
Depuis dix ans, l’abonnement Citypass par prélèvement est passé de 46,10 € par mois en 2008 à 60,50 € en 2018 soit une hausse de 35 %. Ceci alors que, d’après l’INSEE, s’il avait suivi l’inflation, il devrait probablement être actuellement aux alentours de 51 € (le calculateur de l’INSEE donne 50,06 € pour 2017, les chiffres de l’inflation ne sont pas disponibles pour 2018), soit une hausse d’environ 9 %. Il y a donc 26 % de hausse à expliquer autrement que par l’inflation.
En outre, le SyTRAL vient d’annoncer que d’ici 2020, cet abonnement passera de 60,50 € à 65 €, soit une augmentation supplémentaire de 7,44 %. Ceci portera la hausse sur douze ans à 45,99 %. Certes, une hausse de l’inflation est annoncée par les économistes pour les années à venir… Mais ceux-ci l’attendent depuis déjà des années sans qu’elle ne soit encore advenue. Cette justification ne peut pas suffire à faire admettre une telle augmentation supplémentaire.
Évolution du prix mensuel de l’abonnement Citypass du réseau TCL entre 2008 et 2020 avec en comparaison ce qu’aurait été son évolution s’il avait suivi l’évolution de l’inflation calculée par l’INSEE.
Le SyTRAL habille donc ces décisions depuis des années par le fait qu’il investit sur le réseau… Certes, le réseau a été largement développé avec des aménagements très utiles (tramway T4, T1 à Debourg, T6, métro B à Oullins…) Mais, tous les investissements sont-ils réellement justifiés ?
Regarder un peu en arrière permet de se poser largement des questions. À quoi ont servi les (dizaines de) millions d’euro versés à AREVA TA entre 2009 et 2013 pour développer un nouveau pilotage automatique pour la ligne B du métro ? Ce projet a été abandonné en rase campagne alors que la ligne avait reçu un certain nombre d’équipements et qu’au moins une rame avait été adaptée. Le SyTRAL n’a jamais fourni publiquement une explication valable à ce naufrage technique et financier. Par contre le bel argent s’est bel et bien évaporé. Pas bégueule, il a d’ailleurs décidé en 2016 de refaire une tentative avec Alstom pour un nouveau système de pilotage automatique sur cette ligne à l’occasion de l’achat de nouvelles rames livrables à partir de 2019. Un autre équipement a sombré corps et bien : il s’agit des équipements pour les annonces vocales dédiées aux malvoyants dans les stations du métro en 2010/2012. Cet équipement vendu par une start-up était présenté comme révolutionnaire. Certes, les sommes perdues sont beaucoup plus faibles, mais ce sont tout de même environ 310 000 € qui ont servi à payer un équipement qui s’est avéré inutilisable et qui n’a d’ailleurs toujours pas été remplacé. On pourrait aussi parler, pour des montants certes plus modestes, mais qui à chaque fois se comptent en dizaines de milliers d’euros, d’essais de technologies sans intérêt pour l’exploitation ou inefficaces. Dans ce domaine, sauf à obtenir le détail des documents comptables, l’omerta est complète, même quand l’équipement testé brûle deux fois de suite. Dans la même veine, comment oublier de parler des coûts annuels de production des « programmes » diffusés sur les écrans dans le métro, les tramways et les trolleybus articulés ? Le magasine internet Mobiles, lui aussi, mange sa part du budget sans qu’un quelconque bénéfice apparaisse pour les usagers du réseau.
Dans la collection des projets sinon inutiles, pour le moins très largement contestables et néanmoins forts dispendieux, il y a par exemple le tramway T5 qui dans sa conception actuelle n’a de sens quelques jours par an lors de la foire. Le reste de l’année, une desserte par minibus serait suffisante. Cette ligne a englouti des dizaines de millions d’euro pour sa construction et son exploitation est un puits financier sans fond. Dans la même veine, tous les investissements liés au stade à Décines-Charpieu (stations de Part-Dieu-Sud, aménagements à Vaulx-en-Velin – la Soie, débranchement pour le stade, prolongement à Meyzieu – Les Panettes avec son parking-relais, sans oublier les modifications lourdes de signalisation ou l’acquisition de rames supplémentaires…) se sont montés à des centaines de millions d’euros qui sont bien venus du budget du SyTRAL. On pourrait aussi largement parler des absences d’anticipation qui ont conduit à casser et recasser des secteurs comme le carrefour entre l’avenue Thiers et le cours Lafayette. Là aussi ce sont des dizaines de millions d’euro qui ont été dépensés inutilement, simplement par absence totale de vision prospective.
Et le pire, c’est que d’autres investissements largement inutiles se profilent. Le premier aura lieu en 2019 à la Part-Dieu. En effet, son altesse sénilissime ne veut plus voir de tramways stationner devant la gare de la Part-Dieu. Le SyTRAL, dirigé par ses affidés, va donc lui donner satisfaction et détruire dès l’été 2019 les deux voies de stationnement en impasse sur le boulevard Vivier-Merle devant la bibliothèque municipale. Comme cette installation est indispensable à l’exploitation, elle va être récréée, en beaucoup plus petit et moins pratique, sur la rue Servient juste à l’ouest de la station Part-Dieu – Servient à la place des platanes qui sont les seuls éléments esthétiques de ce bout de rue… Et encore, il n’est pas sûr, vu la faible longueur disponible entre la station et le carrefour avec la rue Garibaldi, que cette nouvelle voie puisse recevoir une rame de 43 mètres… Ni que la station puisse ensuite, elle aussi, être allongée à 43 mètres une fois cette voie créée, alors qu’il est très probable que d’ici dix ans la ligne T1 soit exploitée avec des rames longues. Autre exemple à plus long terme, lors du prolongement de la ligne de tramway T6 vers le nord, la mairie de Villeurbanne exige que le passage sur l’avenue Henri-Barbusse se fasse sans ligne aérienne d’alimentation électrique. Remarquons qu’actuellement les trolleybus disposent de lignes aériennes sur la place des Terreaux, secteur encore plus patrimonial que les Gratte-Ciel. Si ce caprice est accepté, ce sont des dizaines de millions d’euros qui vont à nouveau partir en fumée à la fois pour créer cette infrastructure spécifique avec le parc de matériel roulant associé, mais aussi ce sont des surcoûts d’exploitation et d’entretien sur des décennies.
Le renforcement et la restructuration du réseau de bus en 2011 peuvent aussi être évoqués pour justifier les hausses successives de tarifs… Mais il ne faut pas oublier qu’à cette augmentation de l’offre a succédé dans les années suivantes une réduction des fréquences sur de très nombreuses lignes, ce qui a permis de dégager de nombreuses économies… Et de dégrader les conditions de transport des usagers.
Enfin, en matière de recettes fiscales, notons aussi que le périmètre du SyTRAL s’est largement étendu au cours des dix dernières années. Désormais compétent sur l’est lyonnais, il y soumet, comme sur le reste de l’agglomération, les entreprises au versement transport. Compte-tenu de l’importance de l’activité économique sur ce secteur, ce sont des recettes nouvelles importantes qui arrivent dans les caisses du syndicat. Ceci alors que le taux de ce versement a lui aussi été réévalué et que la desserte de ce secteur par les bus et cars reste relativement peu développée. Bref, on a le sentiment de plus en plus net que le SyTRAL veut de toutes forces augmenter ses ressources et ses dépenses, sans comprendre que ses usagers ont eux aussi un budget à gérer et ne peuvent supporter impunément des hausses sans rapport avec l’évolution du coût de la vie.
Alors que les salaires sont bloqués depuis des années et que la population souffre de plus en plus de la cherté de la vie, les augmentations de tarif décidées par le SyTRAL ne sont pas audibles. Elles le sont d’autant moins qu’il y a un très clair manque de rigueur dans un certain nombre de choix d’investissements qui sont faits. Bien sûr, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain et de nombreux investissement sont utiles, sinon indispensables. Mais le SyTRAL ne doit pas en prendre prétexte pour financer tout et n’importe quoi en trouvant ensuite l’argent dans les hausses de tarif. Le rôle du SyTRAL est de transporter quotidiennement à moindre coût et dans des conditions satisfaisantes le maximum d’usagers et pas de financer des lignes de tramways qui ne sont utilisées que quelques jours par an ou encore de subventionner à fonds perdus de prétendues innovations.