Publié le 01-09-2007 à 10h07
Nous avons vu le mois dernier qu’une réflexion institutionnelle est engagée pour peut-être un jour aboutir à la création d’un super syndicat organisateur des transports autour de Lyon. En attendant son éventuel aboutissement, les querelles courtelinesques se poursuivent.
Comme vous le savez, T3 et le futur tram rapide Leslys réutilisent (partiellement pour le second) une ancienne voie ferrée. Cette voie ferrée, dit chemin de fer de l’est de Lyon était concédée sous le régime de l’intérêt local défini par la loi Migneret de 1865. Ce qui signifie que ce sont les départements du Rhône et de l’Isère qui sont propriétaires des emprises.
Ceci nous amène à l’imbroglio actuel, car depuis plusieurs décennies, les départements n’avaient plus de compétences en matière de transport par chemin de fer, sauf sur les voies ferrées d’intérêt local encore en exploitation. Or si le CFEL a bien été exploité jusqu’à une date récente, c’était uniquement pour le service des marchandises. Une réouverture aux voyageurs n’aurait donc pu se faire que sous l’égide du SyTRAL, autorité organisatrice des transports urbains, ou de la Région qui est l’autorité compétente en matière de transport ferroviaire. Cette situation où chacun détenait un bout de la solution a bloqué pendant une longue période tout projet. Cependant, le président du conseil général du Rhône qui est aussi sénateur a profité de l’examen de la loi du 13 août 2004 pour introduire un article permettant aux départements d’exploiter sous certaines conditions des services sur voie ferrée. La route était donc libre… Jusqu’à la limite de département !
Car si le département du Rhône et le SyTRAL se sont trouvé un intérêt commun pour reconstruire l’infrastructure et relancer une exploitation entre la Part-Dieu, Meyzieu et bientôt l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry, l’Isère n’est pas tout à fait dans la même situation. Ainsi, bien que le collectif Parfer milite pour que l’infrastructure soit remise en service jusqu’à Crémieu, rien ne se passe.
Tout d’abord, le département de l’Isère est bien moins motivé que celui du Rhône ou le SyTRAL. En effet, le nombre de passagers sera largement plus faible sur cette section qui traverse des zones largement moins urbanisées (même si de nombreux pavillons s’y construisent), et avec de faibles densités d’habitat. Reconstruire une infrastructure lourde conduirait certainement à une urbanisation plus forte, et surtout plus dense de ce secteur pour la rentabiliser, ce à quoi les populations, ou à tout le moins les élus locaux, ne souhaitent pas. Un autre aspect à prendre en compte, c’est que l’Isère ne subit pas les effets les plus néfastes de la périurbanisation actuelle. Les embouteillages, ce sont le département du Rhône et la communauté urbaine de Lyon qui les subissent… En revanche, la pollution bien qu’invisible, ne connaît pas les frontières administratives, elle. Mais on ne la voit pas ! Le dernier motif de manque d’intérêt du département de l’Isère est que ce chemin de fer ne le concerne qu’à la périphérie. Il a lui-même à s’occuper d’améliorer les transports autour de son chef-lieu, l’agglomération grenobloise… Mais bon, vouloir se payer à toute force un tunnel autoroutier sous la Bastille qui ne servira à rien à part endetter la collectivité ne peut que rendre difficiles le financement et la concrétisation d’autres projets…
Ensuite, en cette période où l’hypothèse de la création d’un syndicat mixte plus large est évoquée, aucun des acteurs ne va se lancer dans un projet ambitieux pour que d’autres en récoltent les fruits. Ainsi, depuis plusieurs années, le SyTRAL est clairement sur la défensive face à la périurbanisation et la nécessaire extension du réseau de transports urbains en dehors du périmètre de la communauté urbaine qu’elle entraîne. Alors que des communautés de communes et d’agglomération périphériques sont prêtes à mettre la main au portefeuille pour financer leur desserte par le réseau TCL, le SyTRAL reste sourd à leurs demandes, en invoquant la nécessité d’une cohérence des périmètres et de la nécessité de mener des réflexions globales sur la planification urbaine. Démarche certes louable dans l’absolu, mais qui est intenable dans la réalité. Car la périurbanisation se fait, et en l’absence d’alternatives, les rurbains viennent embouteiller les rues de l’agglomération. Le SyTRAL a même refusé au département de l’Isère un accord tarifaire qui aurait permis aux usagers des lignes de bus du nord Isère d’être rabattus sur T3 à partir de Meyzieu. Cet accord aurait évité aux autocars financés par le conseil général de l’Isère de se retrouver englués dans les embouteillages pour amener leurs passagers au même endroit que T3, c’est-à-dire la Part-Dieu.
Bref, en cette période préélectorale, avec une idée dans l’air de grand syndicat organisateur des transports, chacun des acteurs joue la carte de la frilosité, et se recentre uniquement sur des compétences qu’il maîtrise totalement. Il est déjà remarquable que le SyTRAL et le département du Rhône aient pu s’entendre pour réaliser T3 et Leslys en commun. Il est de plus à craindre que les différentes emprises foncières actuellement vacantes présentant un intérêt pour les transports en commun ne soient l’un des enjeux de la négociation important dans le cadre la création du futur syndicat. Que ce soit pour définir les apports financiers de chacun ou les poids respectifs dans les décisions… Bref, chacun va dire « Touches pas à ma plateforme ! »… Et surtout « Touches pas au grisbi ! »