Publié le 14-07-2011 à 16h32
Dans le cadre de l’enquête publique en cours entre le 14 juin et le 18 juillet 2011 sur le « extension de la ligne T3 pour la desserte du Grand Stade », voici la contribution de Ferro-Lyon.net déposée sur le registre de la mairie de Décines-Charpieu :
Remarques préliminaires
Un point de procédure m’étonne et me semble une source de fragilité : Cette enquête publique se déroule pour moitié en période de vacances scolaires, et surtout elle s’achève durant ladite période. (Ce n’est pas la première fois que le SyTRAL crée une telle situation, puisque cela avait été déjà le cas pour l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique sur le prolongement de la ligne T4 à La Doua, ou encore récemment celle portant sur les « aménagement de la ligne T3 pour faciliter l’exploitation commune T3/Rhônexpress »)
De plus, il est regrettable que le dossier n’ait pas été consultable par internet. Le nombre de page du document et sa complexité demandant un temps d’étude important pour construire une contribution argumentée et pertinente, cette publicité restreinte (bien que légale) est un handicap.
Introduction
Les aménagements de la ligne T3 présentés par le dossier dans le secteur du Montout à Décines-Charpieu sont sensés répondre aux besoins de l’opération d’un opérateur privé le grand stade dit OL-Land.
Analyse
Généralités de forme
Le dossier d’enquête préalable à la DUP en lui-même est extrêmement embrouillé. Les mêmes informations sont dupliquées pour certaines 3 à 4 fois, voir plus, à des endroits différents du document. Toutes ces répétitions rendent la lecture ardue et décourageante. De plus, si la constitution d’un dossier spécifique pour ce projet d’extension de la ligne T3 peut se comprendre sur le plan technocratique, il contribue clairement, de même que les 8 (au moins) autres dossiers qui font partie de cet ensemble à faire perdre toute vision globale sur le projet de grand stade. D’ailleurs, les limites de cet exercice de découpage sont visibles à chaque page du dossier puisque finalement les choix et les divers travaux liés au grand stade sont copieusement détaillés (accès nord, accès sud, déviation de la canalisation de gaz et déplacement du poste de détente, etc.)
Dans ce cadre de découpage du projet lors des enquêtes publiques, il est indiqué que le dossier de demande de dérogation au titre des espèces protégées L. 411-1 du code de l’environnement sera commun à l’ensemble des opérations du grand stade. Il faut à être logique et cohérent : Soit tout est cloisonné, soit rien ne l’est.
Généralités sur le grand stade
Le projet de grand stade tel qu’il est présenté ne prend pas en compte les besoins de la collectivité publique. En particulier, il n’explicite ni n’assume les pressions foncières que va générer un tel équipement sur les terrains agricoles alentours. Or ces pressions vont, à moyen terme, conduire de manière quasi-inéluctable à l’urbanisation au moins partielle des zones agricoles situées entre Décines, Meyzieu et Chassieu. C’est donc dans ce cadre d’ensemble que la collectivité publique serait légitime à agir. Or celui-ci est nié, et seul est considéré le projet de stade dans son périmètre de 50 ha. Donc, ce projet d’extension de la ligne T3 répond aux besoins d’un unique opérateur privé, et constitue de ce fait une appropriation privée de moyens publics. Cette extension, de même que les autres travaux soumis aux enquêtes d’utilité publiques qui se déroulent conjointement à celle-ci, sont des subventions déguisées à ce projet, et ne répondent pas à des logiques d’aménagement cohérent et structuré de l’est lyonnais. À ce titre, et en l’absence de cette vision d’ensemble sur l’avenir de la zone agricole entre Décines, Meyzieu et Chassieu, l’ensemble du projet de grand stade est incompatible avec l’article L. 110 du code de l’urbanisme qui dit « […] Afin d’aménager le cadre de vie, d’assurer sans discrimination aux populations résidentes et futures des conditions d’habitat, d’emploi, de services et de transports répondant à la diversité de ses besoins et de ses ressources, de gérer le sol de façon économe, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de réduire les consommations d’énergie, d’économiser les ressources fossiles d’assurer la protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la biodiversité notamment par la conservation, la restauration et la création de continuités écologiques, ainsi que la sécurité et la salubrité publiques et de promouvoir l’équilibre entre les populations résidant dans les zones urbaines et rurales et de rationaliser la demande de déplacements, les collectivités publiques harmonisent, dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions d’utilisation de l’espace. Leur action en matière d’urbanisme contribue à la lutte contre le changement climatique et à l’adaptation à ce changement. »
Le dossier détaille le projet de stade et de « pôle de loisir » associé. Tant qu’à être hors sujet par rapport la question de la ligne de tramway, pourquoi n’a-t-il pas abordé l’impact potentiel de cet équipement par rapport aux pôles commerciaux à proximité (hypermarché Leclerc de Meyzieu, et centre commerciale de La Soie, par exemple), voir sur le commerce de centre-ville de Décines et Meyzieu ?
De plus, la moindre des choses aurait été de fournir des explications un peu concrètes et objectives sur l’intérêt de construire un grand stade. Certes, on comprend que Gerland est vétuste. (rénové en 1998 pour la coupe du monde… En moins de 10 ans ce serait devenu un taudis ?… mais que fait le propriétaire ?! Ce genre d’équipements est en général en état pendant 40 ans après une rénovation lourde) Pourtant, en dehors de ça, partie CI, page 2, on reste dans des considérations stratégiques (pour ne pas dire stratosphériques !) de rayonnement de la métropole lyonnaise qui sont pour le moins subjectives. À cette page, je suis d’ailleurs très surpris de trouver une présentation de la quasi-totalité des lignes de métro et de tramway de l’agglomération… Je ne savais pas que les lignes A, B, D du métro T1 et T2 du tramway passe à proximité du site du Montout. Il ne manque pour compléter l’ensemble que les lignes C du métro et T4 du tramway… Probablement des oublis involontaires. Le travail d’objectivation sur l’utilité d’un grand stade n’apparaît donc pas dans le dossier… A-t-il seulement été mené ?
Le plus surprenant est que le dossier contient quelques éléments faisant douter de l’intérêt de construire un grand stade. En effet, partie CI, page 11, il est dit que le taux d’occupation des stades de ligue 1 est de 75 à 85%, soit en extrapolant pour le grand stade de 45 à 51 000 spectateurs… Ce qui est légèrement au-dessus de la jauge de Gerland, mais significativement plus faible que les 60 000 places prévues pour le grand stade. Un taux de remplissage moyen aussi inférieur à la jauge maximale traduit un net surdimensionnement des stades par rapport aux besoins des agglomérations.
Je ne reviendrais pas sur l’analyse multicritère présentée aux pages 40 et suivantes de la partie CI, sur lequel je partage l’avis de l’autorité environnementale qui estime qu’en termes d’accessibilité les différents sites étudiés comportent de vraies différences que l’analyse élude nettement.
Généralités sur le projet d’extension de T3
La déclaration d’utilité publique de cette extension de la ligne T3 est complètement liée à celle portant sur l’accès nord du stade, car les deux périmètres se recouvrent partiellement, et qu’on ne sait vraiment si le projet de trémie routière sur l’avenue Jean Jaurès fait partie de l’un ou de l’autre.
Tout aussi ennuyeux, cette extension de la ligne T3 pour la desserte du grand stade préjuge très nettement de l’utilité publique des « aménagement de la ligne T3 pour faciliter l’exploitation commune T3/Rhônexpress ». Sans ces aménagements le schéma de desserte retenu est inapplicable. Ceci démontre combien la séparation de ce dossier d’avec celui commenté ici est artificielle, voir artificieuse. Or l’utilité publique de ces travaux n’est pas acquise à ce jour, d’autant que le dossier d’enquête préalable contenait des informations erronées par rapport au secteur des Pannettes à Meyzieu. (Il y était question d’un parking de 500 places. Le dossier actuel d’extension de T3 pour le grand stade, mis à l’enquête 3 mois après par le même SyTRAL parle de 4000… Cherchez l’erreur !)
Une desserte qui pose des questions de fond
L’analyse du lieu d’habitation, et éventuellement de travail des abonnés (certains, en semaine pouvant venir directement en sortant du travail) aurait mérité largement plus de développement que la petite moitié de la page 12 de la partie CI qui leur est consacrée. En effet, c’est cette localisation des spectateurs qui est absolument déterminante pour évaluer les impacts du stade, et en particulier l’efficacité à attendre des aménagements de la ligne T3. Or cette partie est non seulement courte, mais aussi ambiguë, notamment sur les évolutions constatées entre 2000 et 2003. On parle de « stagnation des abonnés » en provenance du Grand Lyon. Mais s’agit-il d’une stabilité en nombre ou en pourcentage. Sur un effectif qui augmente, cette question est importante, car une stabilité en nombre se traduit par une baisse en pourcentage (et donc une baisse d’intérêt du public venant de ces endroits pour les matchs), alors qu’une stabilité en pourcentage traduit une hausse du nombre d’abonnés (et donc un maintien de l’intérêt du public de ces zones pour les matchs).
D’autre part, il est regrettable et gênant pour la compréhension, toujours à la même page du dossier, que l’isochrone correspondant à une heure en transports en commun n’apparaisse pas sur la carte, alors qu’elle est commentée dans le texte… Et que cette carte comportant l’isochrone n’ait pas été incluse dans l’analyse multicritère des différents sites pour chacun d’entre eux. Cela semble pourtant un élément pertinent parmi les justifications de retenir ou pas l’un des sites.
Le projet est présenté comme relativement vertueux sur le plan des déplacements, mais c’est enjoliver une réalité somme toutes bien différente. En effet, à Gerland (partie CI, page 40) ce sont actuellement de l’ordre de 10 000 spectateurs qui viennent exclusivement en transports en commun, soit un quart de la jauge, avec possibilité d’ici deux ans, avec le prolongement du métro à Oullins et du tramway à Debourg d’arriver à 20 000, soit la moitié de la jauge actuelle. Le grand stade au Montout plafonnera au mieux à 9 000 personnes (partie CI, page 55)… Soit moins d’un sixième de sa capacité. La part des modes doux restant faible, ce projet, tel qu’il est situé, conduit donc à la réduction l’utilisation des transports en commun par les spectateurs, puisque ce ne sera plus que 15% des spectateurs, contre 25% actuellement qui viendront en transports en commun au stade. En conséquence le projet de grand stade sur le site du Montout est incompatible avec l’objectif du PDU de la communauté urbaine de Lyon, qui est de « réduire la place et l’usage de la voiture en ville ». Il n’est pas non plus compatible sur le volet transport avec les objectifs des lois dites « Grenelle » en termes de réduction des gaz à effet de serre.
La réalité prévue est bien la convergence de 17 000 véhicules particuliers dans le secteur qui amèneront l’immense majorité des spectateurs, et ce n’est pas leur faire parcourir le « dernier kilomètre » entre le parking des Panettes ou Eurexpo et le stade en transports en commun qui peut rendre le projet compatible avec le PDU, ou qui évitera la dégradation de la qualité de l’air, comme cela est mentionné avec un culot d’acier dans la partie Eib, page 7. Ne parlons d’ailleurs pas non plus trop de la « propreté » du tramway, dont la source d’énergie nucléaire montre chaque jour un peu plus son caractère « non polluant », que ce soit en Ukraine, au Japon ou même en périphérie du site de Tricastin…
De plus, la pertinence économique de la réalisation de ce débranchement n’est pas abordée par le dossier. Or dépenser plus de 33 millions d’euros pour construire une infrastructure de tramway qui ne servira que de l’ordre de 150 heures par an. (en partant de l’hypothèse de 50 évènements par an, ce qui est au-dessus des prévisions contenu dans le dossier, avec une arrivée des spectateurs étalée sur 2 heures, et un retour sur une heure) Ceci pour transporter, les jours où ils fonctionnera 13 100 passagers dans chaque sens, soit, ramené en moyenne quotidienne sur un an, 3 589 passagers par jour. À titre de comparaison, le programme de trolleybus C1-C2, qui a coûté de l’ordre de 100 millions d’euros a permis de créer deux lignes circulant environ 7 300 heures annuellement, et appelées à transporter quotidiennement au moins 20 000 passagers. Le coût de l’investissement semble donc totalement disproportionné par rapport aux besoins. Et ceci sans compter les coûts complémentaires liés à l’achat, à l’immobilisation d’actifs et à l’entretien d’un parc de matériel roulant supplémentaire nécessaire pour assurer cette desserte spécifique que le SyTRAL – et au final les contribuables – va visiblement assumer et qu’il n’a semble-t-il pas prévu de le refacturer aux organisateurs d’événements au stade.
Enfin, le dossier reste désespérément muet sur la desserte du « pôle de loisir » (commercial ?) de 40 000 m2 qui constitue une annexe au grand stade (présenté comme tel par le dossier), dont on peut supposer qu’il fonctionnera toute l’année, et qu’à ce titre il aura aussi besoin d’une desserte en transports en commun. Comment sera-t-elle assurée ?
Des questions techniques sans réponse
Si ce dossier permet enfin de comprendre pourquoi le dossier d’enquête « aménagement de la ligne T3 pour faciliter l’exploitation commune T3/Rhônexpress » prévoyait autant de position de garage pour des rames au niveau des terminus (19 tramway à stationner d’après la partie CII, page 7), d’autres questions restent, et certaines apparaissent.
Ainsi, partie CI, page 29, on voit qu’il est question de faire perdre la priorité absolue du tramway au niveau des intersections barriérées. Cette proposition – que l’on retrouve formulée de manière ambiguë à la page 20 de l’annexe étude de trafic – est totalement inadmissible. En effet, la ligne de tramway T3 est une ligne qui a été construite dans l’objectif d’une desserte rapide de l’est de l’agglomération. Entamer la priorité aux carrefours reviendrait donc à remettre en cause la qualité de desserte. De plus, cela serait un très mauvais message en terme de sécurité routière envoyé aux piétons et aux automobilistes : « Un train n’a pas forcément la priorité aux passages à niveaux. » Ceux qui prendraient une telle décision seraient comptables des morts qu’ils provoqueraient.
L’annexe étude de trafic soulève à elle seule un certain nombre de questions.
Tout d’abord, les extraits de graphiques ne reprenant que 35 minutes de fonctionnement au maximum soit ne correspondent pas au texte, soit correspondent à des heures de montée en charge ou de baisse du rythme de la desserte. C’est le cas de celui de la page 9, qui, si on tente de l’extrapoler sur 60 minutes, n’aboutit clairement pas à un nombre suffisant de rames en circulation sur les deux heures précédant le match. Cela alors qu’un constate une montée en charge du nombre de circulations sur la période qui est représentée. Ce document est donc inutile car inexploitable… Il ne démontre donc pas non plus que l’exploitation telle qu’elle est prévue est viable.
En revanche, le graphique de la page 9 est lui extrêmement inquiétant. En effet, bien que très chargé, il ne représente que 16 sillons dédiés par heure (en extrapolant à partir des 34 minutes visibles) au graphique entre le stade et La Soie ou Part-Dieu, Or le dossier affirme que T3 transportera vers ces endroits en une heure 6 000 personnes partant du grand stade. Chaque rame faisant 300 places si elle est longue de 40 mètres (les rames actuelles ne font que 30 mètres, soit 200 places, et seront rallongées, d’après les annonces du SyTRAL), ces 16 passages ne peuvent emporter, en charge maximale que 4 800 passagers. Il manque donc au minimum 1 200 places pour satisfaire la demande estimée, puisque l’évacuation du site est prévue en une heure.
De plus, certains temps de battements au terminus semblent très courts (moins de deux minutes), et surtout s’enchaînent pour certaines rames. Or la régularité, comme le dit le dossier est lié à la précision du respect des heures de départ. Cette régularité peut être très fortement fragilisée par des temps de battement trop réduits.
De même, le dossier n’aborde pas la question de la capacité résiduelle de la ligne T3 les soirs de match, or celle-ci est cruciale. En effet, on constate deux phénomènes. Le premier est la densification rapide de l’urbanisation des villes de Décines et Meyzieu à proximité de la ligne de tramway. Ces nouveaux logements vont conduire mécaniquement à une hausse de la demande de transport. Le dossier part du principe qu’aux heures de fin de match (fixées à 22h) les lignes T3 et Rhônexpress circulent à la fréquence de 30 minutes, ce qui est une fréquence très médiocre, et bien plus faible que celle des autres lignes de tramway de l’agglomération aux mêmes heures. Or que se passera-t-il si les besoins endogènes, et les demandes des habitants de Meyzieu et Décines conduisent à moyen terme à une desserte ne serait-ce que toutes les 20 minutes au-delà de 22h ?
Le second est un phénomène que l’on constate sur quasiment toutes les agglomérations des pays développés au niveau mondial : il s’agit de l’étalement dans le temps des pointes de trafic lié au travail. Alors qu’il y a 20 ans, elles se terminaient le soir vers 18h30, et qu’à 20h les rues et les transports en commun étaient quasiment vides, ce n’est plus aujourd’hui le cas. Et ce phénomène continue d’évoluer. Il nécessitera probablement à moyen terme d’augmenter les fréquences sur la ligne T3 aux heures où se déroulera aussi l’acheminement des spectateurs vers le stade. Comment pourront s’insérer ces éventuelles circulations supplémentaires ?
En outre, le dossier table sur 13 100 spectateurs transportés par la ligne T3 (que ce soit depuis les Pannettes, de La Soie ou de la Part-Dieu) Il évalue en particulier à 6 000 le nombre de personnes venant de La Soie/la Part-Dieu. Il postule, de plus, que chaque rame sera remplie à sa charge nominale. Or ces 6 000 personnes ne sont qu’une estimation. Imaginons que ce soit en fait 7 000 spectateurs qui arrivent de ces endroits (soit un écart de 16,7%, qui reste somme toute raisonnable comme marge d’erreur d’une telle étude prospective) Comment les 4 circulations de rames supplémentaires nécessaires à leur acheminement viendraient s’insérer dans le graphique de circulation ? Et si les rames circulent non pas chargée à 100% par exemple en moyenne avec une charge de 95% (soit 285 passagers au lieu de 300), comment seront gérés les 5% de passagers restants qu’il faudra bien transporter en rajoutant une ou plusieurs rotations ?
Comme cela risque aussi d’être assez probable, les rames en direction du stade risquent de ne pas avoir une charge constante, bien que l’étude parte de ce postulat. C’est-à-dire que pour un match à 20h30, les rames circulant entre 18 et 19h risque de transporter une charge bien inférieure à leur capacité maximale. Cela va impliquer une nette surcharge entre 19h et 20h15 pour transporter le nombre de personnes prévues. Sera-t-il possible de rajouter des rotations de rame destinées au stade à ce moment-là, sachant que T3 et Rhônexpress auront chacun une fréquence de 15 minutes ?
Tout cela donne vraiment l’impression que le dossier présente un scénario de desserte qui charge la ligne au maximum, sans prévoir de quelconque marge de capacité. Le dossier décrit la situation le jour de l’inauguration du stade, sans se projeter, même 3 ou 5 ans après. Or il n’est pas de bonne administration de concevoir un projet qui semble répondre à l’extrême limite de ses capacités aux besoins. Ceci car toute évolution à la hausse des besoins (qui est très nettement prévisible dans le secteur de Décines Meyzieu) conduira à des travaux d’autant plus coûteux qu’ils n’ont pas été anticipés.
De même l’hypothèse d’une extension de T3 vers le Nord-Isère, et donc d’une augmentation globale de la charge de la ligne n’est pas envisagée dans ce schéma de desserte, alors qu’il s’agit d’une demande forte et récurrente des habitants du secteur. Comment s’insérerait-elle dans la trame de desserte prévue ?
D’ailleurs, au titre des éléments dont la conception va minorer la capacité de la ligne, et aggraver les dysfonctionnements en cas de retard, il y a les arrières-gares de retournement de la station du grand stade (schéma page 7). En effet, les zones « attente 1 » constituent un goulet d’étranglement net pour atteindre les zones « attente 2 ». Si un tram en cours de rebroussement sur une zone « attente 1 » rencontrait des difficultés au point d’y être immobilisé, il perturberait très fortement le fonctionnement de la station. Il aurait mieux valu prévoir une arrière-gare à deux voies, avec un plan de voie plus élaboré qui aurait largement sécurisé l’exploitation.
Il est aussi mentionné un besoin de 15 rames pour satisfaire les besoins liés à l’allée au stade et de 19 rames pour le retour. Si pour le retour, cela ne devrait pas poser de difficultés majeures car en soirée (la fréquence des lignes de tramway est globalement allégée, donc des rames sont disponibles), il semble beaucoup plus délicat de trouver 15 rames disponibles entre 18h et 20h… Sauf à alléger le service sur les autres lignes de tramway, alors que l’heure de pointe est encore en cours. Ou alors, l’autre hypothèse serait d’acheter des rames en excédents par rapport aux besoins normaux, ce qui se traduirait la majeure partie du temps par l’occupation des dépôts par des rames stationnées excédentaires. Ce qui est coûteux en termes d’immobilisations financières pour du matériel d’une valeur de plusieurs millions d’euro pièce. Ces coûts, si cette hypothèse se vérifie, seront-ils assumés par le propriétaire du grand stade qui en sera le générateur ?
En outre, l’étude sur les conséquences sur la circulation routière de l’augmentation globale du temps de fermeture des intersections barriérées semble pour le moins optimiste. Comment imaginer qu’un doublement du temps de fermeture telle qu’il apparaît sur les images des pages 12 et 13 n’aura qu’un impact limité en zone urbaine dense, et en pleine heure de pointe ?
Enfin, il est particulièrement déplorable que le dossier ne mentionne pas explicitement, mais sous-entende très clairement (schémas page 10) que le terminus systématique des navettes entre la Part-Dieu et le grand stade sera situé à la station Part-Dieu Sud qui était pourtant présentée comme un terminus de secours dans le dossier d’enquête « aménagement de la ligne T3 pour faciliter l’exploitation commune T3/Rhônexpress ». Ceci repose avec encore plus d’acuité la question que je soulevais lors de ladite enquête : À la Part-Dieu (Sud) il est incompréhensible que le « terminus de secours » ne soit pas plus proche de la future station Félix Faure de la ligne T4. Pourquoi n’est-elle pas par exemple implantée dans le trapèze entre les rues Flandrin, Faure, et future Mouton-Duvernet ? (voir photo aérienne p 53 du dossier) En effet, l’éloignement des deux stations est en contradiction évidente avec le principe du plan de déplacements urbains approuvé le 2 juin 2005 par le SyTRAL : « améliorer les déplacements des personnes à mobilité réduite ». Ce « terminus de secours » étant loin du cœur de la Part-Dieu, si des rames de la ligne T3 doivent y faire leur terminus, qu’il soit au moins offert une correspondance proche aux personnes ayant des difficultés à se déplacer. (proportion de la population en hausse avec l’allongement global de la durée de vie de la population française)
Quid aussi du terminus de T3 « normal » à Meyzieu les soir de match : Se fera-t-il aux Pannettes, afin d’assurer la desserte du parking-relais qui devrait être construit, et en particulier pour les personnes y ayant laissé leur véhicule le matin ? Ou bien s’arrêtera-t-il à la station actuelle, avec toutes les questions que cela pose en terme de desserte et d’éloignement, notamment pour les personnes à mobilité réduite ?
Conclusion
Le projet présenté d’extension de la ligne T3 ne répond qu’à un intérêt particulier, et ne prend en compte ni les besoins de déplacements induits par la croissance démographique continue du secteur de Décines et Meyzieu ni les besoins de desserte à moyen terme qui émergeront de l’urbanisation induite par le projet de grand stade sur les terres agricoles entre Décines, Meyzieu et Chassieu. À ce titre le projet global de grand stade sur le site du Montout ne respecte pas les dispositions de l’article L. 110 du code de l’urbanisme.
La création du grand stade sur le site du Montout induit une hausse sensible de la circulation automobile, et une baisse de la proportion des spectateurs accédant au stade exclusivement en modes doux et en transports en commun. À ce titre il est donc incompatible avec le PDU de la communauté urbaine de Lyon, et en particulier son objectif : « réduire la place et l’usage de la voiture en ville ».
Le dossier ne met pas en évidence l’intérêt économique pour la collectivité de créer cette branche de tramway qui ne servira que quelques dizaines d’heures par an, pas plus qu’il n’explicite comment sera réalisée la desserte quotidienne en transports en commun du pôle de loisirs qui constitue un projet annexe au stade.
Le dossier ne démontre pas non plus la possibilité technique de l’exploitation projetée pour les services spéciaux grand stade de la ligne T3, en ne fournissant que des données incomplètes. Il n’indique pas non plus si la ligne disposera, une fois le plan de transport annonce mis en place, de réserves de capacité pour répondre à la fois aux besoins d’urbanisation de Décines et Meyzieu, et aux éventuels besoins complémentaires liés au grand stade.
Le dossier n’explicite pas non plus d’où viendront les 15 à 19 rames de tramway nécessaires à la desserte du stade, ni comment elles seront financées, ni si elles seront prélevées sur le parc en circulation des autres lignes, en dégradant leur offre en heure de pointe.
De plus l’implantation du terminus implicitement prévu à Part-Dieu Sud, à l’écart des autres stations de tramway à proximité (station de T4, ou station Villette de T3), est contraire au principe du PDU « améliorer les déplacements des personnes à mobilité réduite », de même, l’imprécision sur la position du terminus de la ligne T3 à Meyzieu en période de desserte pour les match.
Enfin, la remise en cause de la priorité du tramway au niveau des intersections barriérées en remettant en cause la vocation de tramway rapide de la ligne, nuit à la qualité de la desserte de l’est lyonnais. Cette disposition est aussi de nature à mettre gravement en cause la sécurité des usagers de la route qui risquent d’adopter des comportements inadaptés car ils croiront que « de toutes façons, le tram s’arrêtera. »
Dans sa consistance actuelle le projet présenté ne semble pas devoir mériter le statut d’utilité publique. L’utilité publique ne pourrait se justifier qu’à quatre conditions :
- Que le projet de grand stade s’inscrive dans un projet d’ensemble de développement et de désenclavement du secteur compris entre Décines, Meyzieu et Chassieu ;
- Que ce même projet de stade soit plus vertueux que Gerland en terme de déplacement, c’est à dire que la proportion et le nombre de personnes y accédant en TC et modes doux exclusivement soit significativement supérieur ;
- Que l’insertion des services spéciaux ne perturbent pas l’exploitation de la ligne T3, et laissent des capacités résiduelles suffisantes sur la ligne permettant de satisfaire les besoins locaux, ou à plus longue distance vers le Nord-Isère, ainsi des besoins supplémentaires liés au grand stade.
- Que le propriétaire du grand stade et les organisateurs d’événements sur le site supportent l’ensemble des coûts de construction des infrastructures qui leurs seront dédiées (pour ce dossier lié au tramway T3, cela concerne l’antenne de la ligne de tramway décrite dans ce dossier, les stations de La Part-Dieu-Sud, et des Panettes, les quais supplémentaires à La Soie, ainsi que le matériel roulant supplémentaire nécessaire) et d’exploitation (entretien du matériel, salaire des agents de conduite et d’accompagnement, énergie électrique…)
En l’état, le dossier ne répond pas aux conditions pour que le projet d’extension de la ligne T3 pour la desserte du grand stade soit reconnu d’utilité publique. Les adaptations qui permettraient d’arriver à l’utilité publique ne relèvent pas exclusivement du dossier visé, mais portant bien sur la globalité du projet de grand stade.
En conséquence, j’émets un avis défavorable sur le dossier soumis au public lors de cette enquête préalable, et demande que le SyTRAL retire son projet.