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Contribution à l’enquête publique sur le site propre pour la ligne C3

Publié le 22-06-2015 à 22h10

Dans le cadre de la procédure d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique en cours entre le 11 mai et le 26 juin 2015 relatif au « projet d’amélioration des performances de la ligne C3 entre le pont Lafayette et le pôle multimodal Laurent Bonnevay sur le territoire de Lyon (3è et 6è arrondissements) et Villeurbanne », voici la contribution de Ferro-Lyon.net :

Généralités sur le projet

Tout d’abord, même si le dossier le rappelle, il me semble important de souligner que le ligne C3 est, de très loin, la ligne de (trolley)bus la plus fréquentée du réseau, et probablement même de tous les réseaux français de province. Cette ligne connaît des dysfonctionnements majeurs en matière de régularité et une surcharge chronique. Afin de tenter d’améliorer le fonctionnement global de la ligne, le projet présenté par le SyTRAL consiste donc réaliser un site propre bus à deux voies en double sens sur 5,5 Km entre le pont Lafayette à Lyon et le pôle d’échange de Laurent-Bonnevay sur Villeurbanne. Le budget annoncé pour cette opération de réaménagement complet de voirie est de 70 millions d’euros.

On peut tout d’abord louer la volonté de ce projet de réduire la place de la voiture sur cet itinéraire actuellement déqualifié et triste. Cette réduction ne fait finalement qu’adapter cette voirie à la capacité réelle de celles qui l’environnent et ne devrait donc pas particulièrement modifier les conditions de circulation. Si les feux de signalisation sont bien réglés, l’écoulement devrait connaître moins d’à-coup ce qui pourrait aboutir à réduire légèrement les pollutions atmosphériques et acoustiques locales.

Pourtant, ce projet ne correspond ni à la réalité des besoins ni aux attentes des usagers. En effet, la ligne C3 transporte actuellement plus de 55 000 passagers par jour. Toutefois cette charge déjà très importante est contenue par les dysfonctionnements majeurs et avérés de la ligne : Irrégularité chronique avec des trous de desserte de 20 minutes suivis du passage à la queue leu leu de 3 bus, surcharge chronique des véhicules, mauvais entretien général des véhicules, fonctionnement dangereux des portes qui se referment sur les usagers…) Cette situation incite les usagers à adopter lorsque c’est possible, des stratégies d’évitement (marche, emprunt de lignes parallèles, même moins directes…) Comme cette ligne traverse des secteurs densément peuplés et passe à proximité de nombreux équipements, une amélioration, même marginale, du service conduira à une hausse spectaculaire de sa fréquentation.

Or techniquement, une ligne de bus, même avec des véhicules articulés circulant en site propre intégral, ne peut fonctionner de façon satisfaisante avec une charge de plus de 50 000 passagers par jour. En effet, au-delà de cette fréquentation, la faible capacité unitaire d’un trolleybus – même articulé – conduit à réduire l’intervalle entre deux bus de façon telle à ce que la constitution de « petits trains » devient inévitable. Ce processus intervient dès lors que l’intervalle entre 2 passages de bus s’accroît même légèrement (conducteur roulant un peu plus lentement que celui du bus précédent, feu rouge un peu plus long, surstationnement à un arrêt…) Le bus légèrement en retard va voir progressivement ses temps de stationnement aux arrêts augmenter car il aura plus de monde à charger et à décharger vu que celui qui le précède est passé depuis de plus en plus longtemps et il va accumuler de plus en plus de retard, ce qui fait qu’au-delà d’un certain point il sera rejoint par le bus suivant, puis éventuellement encore un autre. La régularité de la ligne s’effondre alors car les usagers vont systématiquement essayer de monter dans le 1er bus, contribuant à accroître son retard et celui de ceux qui le suivent. Donc l’aménagement proposé, malgré les sommes engagées, ne répond pas à la fréquentation actuelle de la ligne et encore moins à sa croissance attendue. Il ne peut au mieux être qu’une solution transitoire à court terme.

Ceci est d’autant plus vrai que la ligne C3 est principalement une ligne de cabotage que les usagers utilisent en général sur quelques arrêts, souvent pour rejoindre un point de correspondance, ou pour en relier deux. Ainsi personne n’utilise la ligne pour un trajet de bout en bout de Saint-Paul à Vaux-en-Velin. En revanche de très gros échanges de passagers ont lieux à Hôtel de Ville, Cordeliers, Part-Dieu – Jules-Favre, Thiers – Lafayette, Institut d’art contemporain, Grandclément et Laurent-Bonnevay. Ces arrêts, surtout ceux en correspondance avec le métro ou le tramway, génèrent des afflux de passagers que la capacité d’un autobus articulé a du mal à satisfaire. Ce qui conduit à durées de stationnement qui s’allongent et contribue aux dysfonctionnements mentionnés ci-dessus.

En outre, l’aménagement prévu conduit certes à réhabiliter les voiries concernées qui en ont largement besoin. Toutefois les reprises limitées des réseaux souterrains rendent à priori son adaptation impossible, sans tout recasser, à l’implantation nécessaire à court ou moyen terme d’une ligne de tramway. Pour une opération d’un tel coût et d’un tel impact sur la vie urbaine (un chantier annoncé pour une durée de 3 ans sur une des plus grandes artères de la ville), une imprévoyance de ce type est irresponsable.

On peut aussi largement regretter le sacrifice de platanes centenaires, dont tout promeneur sur le cours Lafayette perçoit la qualité qu’ils donnent à l’environnement malgré des trottoirs étroits et une présence oppressante des voitures. Des arbres aussi anciens et majestueux, rares dans l’espace urbain dense, doivent être traités avec plus de respect qu’une simple coupe pour faire passer des flux supplémentaires de circulation.

Des trolleybus à changer

Le projet ne semble pas tenir compte que les trolleybus de la ligne C3 sont désormais vétustes et en fin de vie. En effet, les premiers Cristalis™ articulés ont été livrés au SyTRAL en 2002. Ces véhicules, pour les plus anciens, ont donc déjà 13 ans et ont connu une exploitation quotidienne sur des chaussées défoncées (couloirs à contresens revêtus de pavés autobloquants disjoints notamment) avec des surcharges chroniques. En outre, leur châssis semble soumis à une corrosion importante qui nécessiterait à court terme de gros travaux de maintenance. Dans ces conditions, ces véhicules qui atteindront l’âge de 17 ans à la mise en service du site propre en 2019 seront probablement à remplacer dans les trois années qui suivent. Ce coût de remplacement, probablement de l’ordre de 30 millions d’euros (sur la base de 30 véhicules à 1 million pièce, soit un peu moins que les derniers Cristalis™ livrés), va donc venir s’ajouter à celui des travaux de voirie et est à intégrer dans le projet. Entre le site propre et le matériel roulant, on approche donc les 100 millions d’euros. Tout cela pour faire à peine mieux que ce qui existe. Je sais bien que les 300 millions qui ont été dépensés pour le tram-train de l’ouest lyonnais ont conduit à un service moins performant qu’avec le matériel antérieur, mais est-on obligé de dupliquer à l’infini ce type d’échec ?

Pourquoi pas un tramway dès maintenant ?

Comme le SyTRAL veut faire un site propre entre le pont Lafayette et Laurent-Bonnevay et que les véhicules sont aussi à changer rapidement, pourquoi ne pas envisager plutôt qu’un site propre bus, la construction d’une ligne de tramway des Cordeliers à Bonnevay ? Cette ligne pouvant dans un second temps être prolongée à ses deux extrémités pour rejoindre Vaulx-en-Velin et Saint-Paul. La création de ce premier tronçon de tramway aurait un certain nombre d’avantages immédiats. Il scinderait cette longue ligne en 3 parties. il permettrait de recréer une ligne déconnectée des aléas de circulation du centre-ville entre Vaux-en-Velin et la ligne A du métro. Cette ligne beaucoup plus courte, et déjà pour une bonne part en site propre, aurait une régularité et une qualité de service bien meilleure. La section transformée en tramway, actuellement la plus chargée, aurait des véhicules aptes à supporter les afflux de voyageurs issus des stations de correspondance avec le métro ou la gare SNCF de la Part-Dieu. La section entre les Cordeliers et Saint-Paul, moins chargée et largement doublée par d’autres lignes sur l’essentiel de son trajet, gagnerait en régularité en évitant d’importer les retards accumulés ailleurs malgré les difficultés de circulation en Presqu’île.

Ce premier tronçon de tramway permettrait en outre d’imaginer un maillage du réseau, pour peu que les raccordements aux infrastructures déjà existantes au niveau de Part-Dieu – Jules-Favre et de Thiers – Lafayette soient soignés. En effet, on pourrait imaginer des jonctions permettant d’aller de Bonnevay à Perrache, ou des Cordeliers aux États-Unis, voir des Cordeliers à Part-Dieu – Vivier-Merle. Cette dernière liaison directe est attendue par les lyonnais depuis la création du quartier de la Part-Dieu, il y a 40 ans !

Un aménagement parfois peu qualitatif

Malgré le montant mobilisé par le SyTRAL, on ne peut qu’être surpris par certains aménagements prévus, particulièrement au niveau des arrêts. Ainsi, le dossier d’étude d’impact propose que des arrêts de correspondance très fréquentés soient munis de simples potelets alors que certains disposent actuellement d’abris. C’est le cas à Part-Dieu – Jules-Favre, Halles Paul Bocuse, Thiers – Lafayette, Notre-Dame-Baraban (substitué à Sainte-Genviève). Notons d’ailleurs qu’à Part-Dieu – Jules-Favre, l’arrêt s’éloigne un peu plus de la gare qui n’était déjà pas proche, alors qu’au moins dans le sens vers Saint-Paul la suppression de la contre-allée du boulevard des Brotteaux permettrait de donner toute la place nécessaire à la station quasiment sans la déplacer.

Conclusion

Le SyTRAL prévoit de dépenser un budget très conséquent pour l’aménagement d’un site propre non évolutif pour les trolleybus de la ligne C3. Cependant la surcharge chronique actuelle de la ligne indique que cet aménagement sera insuffisant à court ou moyen terme. Une solution plus pérenne avec la transformation au moins partielle de la ligne en tramway doit être dès maintenant envisagée. Si les budgets ne permettent pas cette opération dès à présent, alors les aménagements de création du site propre bus, un pis-aller de court terme, doivent se limiter au stricte minimum permettant d’attendre les disponibilités budgétaires nécessaire au tramway : reprise des parties de chaussée les plus dégradées, remise en état limité des lignes aériennes, délimitation du couloir bus par de simples marquages au sol, constitution des arrêts en îlots à moindre coût par coulage d’une chape de béton à même la chaussée existante dans un coffrage, etc.

Dans tous les cas, les alignements d’arbres anciens existants doivent être préservés autant que possible et au maximum de part et d’autre des rues concernées.