Publié le 20-08-2017 à 18h07
Depuis quelques années les moyens de transport « innovants » redeviennent à la mode. Ils ne s’appellent plus Urba, Safège, Tridim, Aramis, Alweg ou Aérotrain comme dans les années 1960, ou encore Poma 2000, Swissmetro, TVR, Transrapid ou SK comme dans les années 1980, voir Translohr dans les années 1990. Certains de ces systèmes se sont concrétisés, mais très souvent dans la douleur pour les collectivités qui ont été hypnotisées par leur « nouveauté ». Nancy, Caen, Laon, Clermont-Ferrand ou la société ADP en savent quelque chose. Ces systèmes sont vendus par des bonimenteurs de talent qui vantent l’universalité de leur produit à des élus fascinés par la nouveauté et sans recul technique, malgré les conseils dont ils s’entourent. Ceci y compris quand d’évidence le produit ne correspond absolument pas au besoin exprimé.
Années 1960 esquisse d’implantation d’URBA 4 sur le quai de Serbie à Lyon. Le graphiste ne s’encombre pas de calcul de résistance des matériaux : Poteaux largement espacés, inclinés et coudés, aucun contreventement. Pas sûr qu’une telle installation aurait supporté une cabine bien pleine de la taille de celle figurée.
Heureusement, de nombreuses fois, les bureaux d’études d’assistance à maîtrise d’ouvrage ont sur convaincre les élus de renoncer à ces engins dont la fiabilité et la facilité de maintenance sont inversement proportionnelles à leur extrême complexité technique. Ceci sans même parler de l’insertion urbaine douteuse de certains.
Prototype de métro suspendu Safège sur sa piste d’essai à Châteauneuf-sur-Loire (Loiret) lors du tournage du film Farhenheit 451 au début des années 1960. Admirez la légèreté et la discrétion de la structure qui se serait si bien fondue dans la ville. Certains visionaires imaginaient une telle décoration pour l’avenue Foch… Remarquez, à la différence des platanes, il n’y a pas de risque de chancre coloré.
Depuis quelques années, on constate une résurgence de ces tapis volants. Ils s’appellent maintenant Hyperloop, Skytran ou Supraway. Outre un fonctionnement guère plus évolué que ce qui était envisagés dans les années 1960-1970, ils sont habillés avec des oripeaux hypes made in USA et équipé du wifi. C’est dire s’ils sont dans le vent. Comme à l’époque les meilleurs graphistes maquillent des images comme des voitures volées pour faire croire à leur insertion facile dans leur environnement. On revoit donc des belles vues d’artistes représentant des structures si fines qu’elles ne supporteraient même pas leur propre poids. Ne parlons même pas de supporter le vent et encore moins les cabines et les contraintes dynamiques que vont induire leurs déplacements. Les tubes dépressurisés où sont sensés circuler certains de ces véhicules sont représentés comme entièrement transparents, alors que la pression d’écrasement qu’exercera l’atmosphère nécessitera des structures très résistantes, très probablement en acier, pour des raisons budgétaires. Les chiffres de capacité de transport énoncés sont totalement fantaisistes : Comment imaginer transporter 10 000 passagers par heure et par sens sur un tronçon d’infrastructure avec des véhicules à 6 places comme l’annoncent certains ? Cela représenterait un passage de cabine toutes les 2,16 secondes dans chaque sens. Un tel carrousel ne permet tout simplement plus physiquement l’arrêt des modules aux stations ou même simplement la manœuvre d’aiguilles pour les dévier sans bloquer complètement le système.
Image de synthèse du projet Skytran (document Skytran). Les poteaux semblent à peine plus gros que ceux des lignes aériennes de trolleybus alors que les véhicules sont annoncés comme pouvant dépasser les 400 kilomètres par heure. Les passagers ont une vue idéale sur les appartements du premier étage des immeubles. Vous remarquerez aussi que les notions de descente en station et de montée en ligne ne sont pas usurpées non plus (pentes évaluables à 30 ou 40% à vue de nez par rapport à la taille des fenêtres des immeubles… Pas loin des montagnes russes). Le graphiste a aussi soigneusement évité de de représenter le dispositif d’aiguillage qui n’allégera pas l’aspect de l’installation.
Les coûts de construction et les difficultés rencontrées sont passés sous silence ou simplement ignorées. Les sols de nombreuses villes ont des consistances qui rendent indispensable des fondations complexes pour des poteaux isolés reprenant des charges lourdes et déportées. Le coût des stations, l’espace au sol nécessaire pour leurs accès, leurs fondations, leur accessibilité aux personnes à mobilité réduite sont négligés. L’acceptabilité par les riverains au premier ou deuxième étage des immeubles qui verront soit des cabines remplies de passagers, soit un tube opaque devant leurs fenêtre est totalement ignorée.
Les coûts d’exploitation sont aussi délibérément minimisés, sinon ignorés :
Image de synthèse du projet hyperloop Transpod (document Transpod). Admirez la transparence totalement irréaliste de ces tubes. Le pauvre laveur de vitres il a pas fini d’essuyer. Ceci dit, les piliers ont une esthétique… particulière. Comme on dit chez nos amis anglais : Oh, my gode !
Autre angle mort, le bruit de ces « nouveaux » systèmes. Comment penser qu’un véhicules se déplaçant à 450 kilomètres par heure même dans un tube à pression d’air réduite sera silencieux ? Le simple frottement de l’atmosphère résiduelle sur le véhicule suffira a créer des vibrations non négligeables. Sauf à créer des structures très lourdes et donc particulièrement visibles dans le paysage, l’ensemble de l’infrastructure vibrera avec une transmission aux bâtiments aux alentours non seulement acoustique, mais aussi solidique. Le problème de propagation des vibrations est le même pour des véhicules plus petits circulant sur des infrastructures très légères.
Image de synthèse du projet hyperloop Transpod (document Transpod). En pleine campagne, cela ressemble furieusement à la piste d’essai de l’Aérotrain Bertin dont on peu admirer les restes dans la Beauce. Dire que certains imaginent embellir le plateau mornantais avec ce genre d’objet…
Alors que certains fantasment sur un trajet entre Lyon et Saint-Étienne en 8 minutes, il est probablement temps de redescendre sur terre et de réaliser que si ces différents objets qui ont été étudiés depuis largement plus de 40 ans ne se sont pas concrétisés, c’est bien que les études techniques et économiques ont démontré l’inanité des promesses faites. Vouloir essayer à nouveau de les mettre en œuvre avec les même recettes relève de la tromperie.