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Avis sur le projet de ligne E du métro

Publié le 05-05-2019 à 12h10

Dans le cadre de la concertation préalable cours entre le 4 mars au 6 mai 2019 sur la « Création d’une nouvelle ligne depuis l’ouest de l’agglomération lyonnaise », voici la contribution de Ferro-Lyon.net déposée sur le site internet de la concertation :

L’agglomération lyonnaise a toujours connu un développement déséquilibré entre l’Ouest et l’Est. Les reliefs à l’Ouest de la Saône ont toujours rendu compliqué l’implantation d’infrastructures, en particulier de transport. De plus, les politiques à courte vue des années 1930-1960 sont venu liquider les infrastructures qui auraient pu concourir à un aménagement harmonieux de l’Ouest lyonnais : fermeture des lignes de tramways et de chemin de fer secondaires, qui, si elles avaient été maintenues et modernisées répondraient déjà en grande partie aux besoins de déplacement de cette partie de l’agglomération. Car malgré un développement de l’agglomération principalement vers l’Est, l’Ouest s’urbanise maintenant jusqu’au-delà des confins des Monts du Lyonnais. Cette urbanisation et les déplacements multiples qui en découlent mettent en évidence quotidiennement l’inadéquation croissante entre les infrastructures de transport et les besoins de déplacement sur tout le secteur.

Face à ce besoin global qui concerne à la fois l’Ouest du territoire métropolitain, mais bien au-delà jusqu’au cœur des Monts du Lyonnais, l’approche choisie pour cette concertation interroge. Alors que l’on se trouve face à une difficulté de déplacement structurelle et étendue concernant les besoins d’un territoire qui s’étend au moins jusqu’à 20-25 kilomètres de la Presqu’Île, il semble tout à fait vain de focaliser la concertation sur une infrastructure qui s’en éloignera d’à peine 5 kilomètres. Par sa faible longueur, elle ne peut apporter de réponse sérieuse globale et cohérente aux besoins de mobilité du secteur. Or quotidiennement de nombreuses personnes viennent de Vaugneray, Yzeron, Brindas, Craponne, Grézieu-la-Varenne, Chaponost, Messimy, voir Saint-Martin-en-Haut.

Un choix a priori du métro

Le problème de base se situe dans l’approche purement électoraliste de création de cette infrastructure. Avant même une quelconque étude d’opportunité en validant l’intérêt aussi bien pour le territoire que pour ses habitants, le maire de Lyon et ancien président de la Métropole, dans le cadre de sa campagne électorale de 2014, a affirmé vouloir une ligne de métro entre le centre de Lyon et Alaï. Ce choix a été énoncé avant d’avoir une vision globale préalable des besoins de déplacements sur le secteur et des flux principaux. La présente concertation reste malheureusement dans ce cadre étroit et qui manque clairement de sens.

Le dossier de concertation est étoffé et détaillé, il va y compris dans des niveaux de précision relevant de l’enquête publique (détails techniques sur le fonctionnement du métro, par exemple). Cependant, il se contente d’expliquer de façon quasi tautologique les fondements du projet : Il faut un métro car il faut un métro et il ira de la Presqu’Île à Alaï car il doit le faire… C’est un peu court comme justification ! Pour habiller cette faiblesse, les scénarios alternatifs étudiés sont vides de sens, soit techniquement, soit sur le plan de l’organisation du fonctionnement urbain. Leur faiblesse commune est de ne poser à aucun moment la question du positionnement du terminus de la ligne à l’Ouest : C’est Alaï et rien d’autre… Pourquoi par exemple ne pas avoir étudié un terminus à Grézieu-la-Varenne, que ce soit au Tupinier, ou sur la RD30 ?… Du côté du centre de Lyon, ce n’est guère mieux, même s’il y a une illusion de choix : Pas besoin d’être un grand expert en génie civil pour comprendre qu’une station enterrée à Vieux Lyon ou à Hôtel-de-Ville serait très complexe à insérer et donc particulièrement coûteuse. De même, à Perrache, entre le centre d’échange, les tunnels ferroviaires et autoroutiers, la complexité technique d’un métro enterré est là aussi un repoussoir. L’hypothèse de Gorge de Loup est, elle, (tout comme le serait aussi Vieux-Lyon, d’ailleurs) un repoussoir en matière de fonctionnement urbain en imposant une rupture de charge supplémentaire aux utilisateurs de la nouvelle ligne pour rejoindre le centre de Lyon. Bref, tout cela pour aboutir à une suggestion d’évidence écrite avant : le terminus en centre-ville sera Bellecour…

Bellecour, vraiment ? Mais pour quel besoin des habitants de l’Ouest de la métropole et de l’Ouest lyonnais ? Depuis plusieurs décennies, la centralité lyonnaise se déplace vers l’Est et en particulier le quartier de la Part-Dieu. Ce dernier peut quasiment être comparé, à l’échelle lyonnaise, au quartier de la Défense en Île-de-France : de nombreux employés venant des quatre coins de l’agglomération y travaillent et y consomment. Le nombre de mètre-carrés de bureaux et de commerces ne cesse d’y augmenter, attirant toujours plus d’employés, mais aussi de clients pour les boutiques. Les besoins de ce quartier en infrastructures de mobilité s’accroissent en parallèle de cette évolution alors que sa position centrale le rend chaque jour plus difficilement accessible en véhicule individuel.

Or, le dossier n’aborde à aucun moment de façon sérieuse les perspectives d’évolution à long terme pour cette ligne de métro. Un terminus en Presqu’Île ne peut être satisfaisant : On est dans une logique du XIXe siècle avec des lignes de transport qui se terminent en centre-ville, bien interconnectées ou pas, l’utilisateur se débrouillant avec des correspondances plus ou moins pratiques s’il doit traverser l’agglomération. Rares sont désormais les lignes de transport conçues de cette façon, car elles traduisent la vue particulièrement étriquée de leur concepteur. Elles se traduisent surtout pas des flux de correspondance très élevés à leur terminus, ce qui risque d’engorger les infrastructures à proximité. Quels sont donc les prolongements envisagés ou envisageables de cette infrastructure vers l’Est ? La station terminus au centre de Lyon sera-t-elle conçue en prenant en compte une possibilité de prolongement ? Plus largement, et sans aller sur une caricature que serait une ligne de Feurs (Loire) à Crémieu (Isère), comment cette ligne et ses éventuels prolongements feront sens dans le réseau de transports en commun à l’échelle de l’agglomération, au-delà de la desserte du 5e arrondissement et de Tassin-la-Demi-Lune ?

De même, sur le mode choisi : ça sera un métro sur pneumatiques. Pourquoi ? Pour justifier ce choix le dossier retient des hypothèses particulièrement défavorables aux autres modes présentés en particulier concernant les capacités à monter dans les rampes : Il est notamment prétendu qu’un tramway ne saurait grimper des rampes à plus de 70‰. Rappelons simplement que la ligne 1 du tramway de Tenerife (Espagne), d’une longueur de 12,5 kilomètres possède une rampe moyenne de 53‰ sur 10 kilomètres avec un maximum à 85‰. Or cette ligne est en extérieur avec tous les impondérables sur l’adhérence que peut causer la pluie. À Lyon, compte-tenu de la géographie, la forte rampe serait en tunnel. Dans un tel contexte à l’abri des éléments extérieurs, une rampe à 90-95‰ serait à la fois possible et sûre pour permettre la circulation d’un tramway Citadis© du même type que celui de Tenerife. Ce type de matériel est largement plus standard et donc finalement moins coûteux à l’achat, que le métro sur pneumatiques surmotorisé qui n’existe ailleurs dans le monde qu’à Lausanne (Suisse). Rappelons aussi qu’un métro sur pneumatiques, toutes choses égales par ailleurs, consomme 30 % d’énergie en plus par rapport à un métro à roulement fer (ou qu’un tramway) pour transporter le même nombre de personnes. Ceci simplement à cause des frottements plus élevés induits par les pneumatiques. Cet aspect pèse donc lourdement sur les coûts d’exploitation.

En outre, le choix de construire une ligne de métro avec tout ce que cela implique en matière de construction d’ouvrages d’art, interroge par rapport à la fréquentation envisagée pour la ligne, de 45 à 75 000 voyageurs par jour. Rappelons que pour qu’une fréquentation attendue du même ordre de grandeur, il avait été estimé par le SYTRAL qu’un trolleybus en site propre était largement suffisant pour la ligne C3. On est clairement dans l’excès dans les deux cas. Le métro nécessite une infrastructure particulièrement coûteuse (1 à 1,2 milliards annoncés pour ce projet de 5 à 6 kilomètres). Cela aura deux conséquences. La première à court terme sera d’absorber une grande partie des capacités de financement d’infrastructures nouvelles du SYTRAL et donc l’empêchera de satisfaire une grande partie des nombreux autres besoins insatisfaits de déplacement déjà identifiés et connus de la Métropole. La seconde sera le coût nécessairement très élevé des prolongements de cette ligne, que ce soit vers la Part-Dieu et l’Est où ces coûts d’infrastructure élevés peuvent s’entendre du fait de la densité urbaine, mais aussi en direction de l’Ouest et la banlieue où les densités deviennent faibles et un prolongement au niveau du sol, beaucoup plus économique sera largement plus pertinent qu’un tunnel ou un viaduc. Le coût des prolongements du métro sont un frein énorme à son extension. Notons pas exemple qu’il aura fallu pas loin de 20 ans et deux phases de chantier entre la décision de prolonger la ligne B du Stade de Gerland aux Hôpitaux Sud à Saint-Genis-Laval et la réalisation complète des travaux…

Pour faire le bilan des remarques ci-dessus et sans être expert, quelques points caractéristiques de l’éventuelle infrastructure de transport en commun qui pourrait être créée pour desservir l’Ouest Lyonnais semblent toutefois évidents :

  • Le relief et l’urbanisation imposent un passage en tunnel au moins entre la Saône et le plateau du 5e arrondissement ;
  • La ligne devra essayer de desservir le territoire le plus étendu possible en banlieue sans rupture de charge et donc devra idéalement se diviser en branches une fois sur le plateau. Pour cela c’est bien plus que 5 à 6 kilomètres de ligne qu’il faut créer. Pour maîtriser les coûts, il est évident que l’infrastructure doit alors rester en surface ;
  • La ligne devra permettre de traverser la Presqu’Île sans rupture de charge et autant que possible créer la liaison efficace manquante entre la Presqu’Île et la Part-Dieu.
  • La ligne devra être facilement prolongeable a ses deux extrémités, quels que puissent être ses terminus initiaux.

Toujours sans préjuger du type de matériel qui répondrait le mieux aux besoins, on peut constater que les réseaux de tramways de Rouen et du Havre ont des configurations proches de ce qui pourrait être adapté à une liaison entre le centre de Lyon et l’Ouest lyonnais : Un tronc commun enterré là où des obstacles doivent être franchis et une séparation en plusieurs branches en banlieue pour aller au plus près des besoins. Un tel scénario, plus efficace, et à longueur égale moins coûteux, doit être étudié. Cette étude permettra en outre de répondre à d’autres questions qui ont été éludées jusqu’à maintenant dans le projet présenté.

Une concurrence avec le tram-train ignorée

Le SYTRAL est l’autorité concédante du réseau de transport urbain lyonnais. La Région Auvergne-Rhône-Alpes est, elle, l’autorité concédante du réseau des trains régionaux (TER®). Alors que le SYTRAL est désormais constitué de représentants de la Métropole et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, il est pour le moins surprenant que les interactions avec le réseau de tram-train de l’Ouest Lyonnais relevant de la responsabilité de la région soient aussi peu éclairci. Et pourtant le terminus de cette nouvelle ligne est prévu au pied d’une halte ferroviaire du tram-train !

Le dossier n’évoque pas la question d’une quelconque articulation avec le tram-train, comme s’il n’existait pas ! Pas un mot sur une intégration tarifaire entre les deux réseaux ! Rien sur l’impact qu’aurait ce projet de ligne de métro sur la fréquentation du tram-train. À la lecture du dossier, on a l’impression que le tram-train est quantité négligeable. Il est question au sujet du « pôle multimodal d’Alaï » d’autoroute (anneau des sciences) de gare bus, de parking-relais, du réseau viaire, des voies cyclables, d’autopartage… et c’est tout !

Or le tram-train a représenté un investissement de la région de l’ordre de 300 millions d’euros. Ce réseau a été mis en service en 2012 et est encore appelé à évoluer. Il a en particulier été construit le shunt de Tassin pour permettre aux tramways directs entre Brignais et Lyon d’éviter un rebroussement en gare de Tassin. Ceci constitue une ligne existante en concurrence directe avec le projet de métro. Une analyse sur l’impact du projet de métro sur cette infrastructure est donc indispensable.

Cette analyse ne doit pas obligatoirement aboutir à ne pas créer une nouvelle infrastructure, mais elle doit surtout permettre de poser correctement les questions de l’articulation entre le tram-train et cette nouvelle ligne : Ne faudrait-il pas rabattre toutes les dessertes vers Brignais, Lozanne et Sain-Bel sur Alaï ? Ceci tout en créant un tramway à haute fréquence entre Lyon-Saint-Paul et Tassin pour continuer à assurer une desserte urbaine des quartiers sur cet axe. Une telle stratégie serait cohérente avec les orientations de la région pour le tram-train : l’électrification programmée entre Tassin et Lozanne offrant la possibilité de créer des liaisons directes entre Brignais et Lozanne avec desserte d’Alaï. Si on réoriente sur cette dernière halte les tramways vers l’Arbresle et Sain-Bel, il faudra la réaménager et créer plusieurs voies à quai pour en faire un terminus efficace…

Enfin, il est inadmissible que le SYTRAL et la région Auvergne-Rhône-Alpes ne se soient pas encore entendus sur une tarification commune compte-tenu de l’imbrication de leurs réseaux respectifs sur l’agglomération. Dans de nombreux pays européens, l’intégration tarifaire est une réalité depuis des décennies. En France, cela fait vingt ans qu’elle est promise tout en affirmant que c’est compliqué, qu’il faut changer la billettique, etc. L’intégration tarifaire complète entre les TER®, le réseau des cars du Rhône et le réseau urbain doit être un préalable impératif à la réalisation d’une éventuelle infrastructure dans l’Ouest Lyonnais.

Un impact sur la circulation mal défini

L’argumentaire du dossier est particulièrement faible sur l’impact de l’infrastructure envisagée concernant la circulation routière. Il faut dire qu’il suppose l’éventualité de la création du tronçon ouest du périphérique (« anneau des sciences ») qui sera un aspirateur à voitures. Il est évident que les occupants des véhicules qui emprunteront cette infrastructure ne peuvent en aucun cas être considéré comme faisant partie de la chalandise potentielle de la ligne projetée : L’utilisateur d’une autoroute de contournement ne va pas s’arrêter pour emprunter un transport en commun radial vers le centre. S’il doit aller vers le centre, il prend avec son véhicule une infrastructure routière radiale. Le rabattement sur les stations de métro projetées se fera donc principalement selon l’axe des infrastructures radiales existantes à proximité : les RD 489 et 311. Or le goulet d’étrangement pour la circulation automobile se situe principalement sur la RD 489 entre son carrefour avec la RD 311 et… Alaï. Soit à l’Ouest de la ligne de métro projetée. L’automobiliste arrivé de la périphérie à cet endroit a franchi la plus grosse difficulté de son parcours. Il est donc à craindre qu’il ne poursuive sa route.

De plus, la création de cette infrastructure de transport en commun risque de justifier encore des développements d’urbanisation dans l’Ouest et les Monts du Lyonnais. Ce qui augmentera encore la circulation routière dans le secteur. Si la circulation générale augmente, il n’est pas certain, malgré la hausse de la part modale des transports en commun affirmée dans le dossier, que le nombre de voitures diminue dans le secteur…

Un projet à reprendre intégralement

La question de la desserte de l’Ouest de l’agglomération lyonnaise n’a clairement pas été prise dans le bon sens. Partir de l’outil – le métro – pour ensuite tenter de le faire correspondre aux besoins ne peut pas donner un bon résultat.

Avant de parler métro, tramway, hyperloop, Translohr® ou autre, il faut déjà définir le besoin :

Oui, l’Ouest de l’agglomération manque de desserte en transports en commun.

Oui, le nombre de déplacements, notamment routiers, entre l’Ouest de l’agglomération est important et en hausse du fait de l’évolution de l’urbanisation et de l’étalement urbain.

Mais c’est ce même étalement urbain en peau de léopard (ou en archipel pour être plus poétique) avec des densités moyennes à très faibles qui rend vain le choix d’une infrastructure courte, coûteuse à la construction comme ensuite à son éventuel prolongement.

Qu’entend-on aussi par centre-ville ? La Presqu’Île, la Part-Dieu, les deux ?

Comment s’insère la desserte de l’Ouest de l’agglomération dans les réseaux de transports en commun existants et projetés ? Si l’on doit créer une infrastructure pour cette desserte, ne peut-on pas par la même occasion résoudre d’autres problématiques (au hasard la liaison rapide entre la Presqu’Île et la Part-Dieu qui est un échec depuis des décennies du réseau actuel) ?

Une fois les réponses à ces questions apportées, alors il sera raisonnablement possible de proposer un projet d’infrastructure.

En l’état et en l’absence de lien démontré avec les besoins existants et de la cohérence du projet avec l’évolution urbaine de l’agglomération, je suis contre le projet de nouvelle ligne de métro pour desservir l’Ouest Lyonnais.