Publié le 02-11-2019 à 20h05
Dans le cadre de la concertation préalable cours entre le 1er octobre au 15 novembre 2019 sur le « projet de Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) Trévoux-Sathonay-Lyon », voici la contribution de Ferro-Lyon.net envoyée à la région Auvergne-Rhône-Alpes :
La desserte du plateau nord et du Val de Saône par les transports en commun est globalement déficiente, malgré une urbanisation galopante au cours des cinquante dernières années. Bien qu’il y ait eu quelques améliorations ponctuelles au cours des deux dernières décennies (site propre bus à voie unique de la montée des Soldats, lignes de trolleybus C1 et C2, renforcement des dessertes trains entre Lyon et Villefranche-sur-Saône), les besoins en mobilité grandissants des habitants n’ont pu être satisfaits que par un recours massif à la voiture individuelle, dont l’usage a d’ailleurs été largement encouragée par les formes d’urbanisation développées sur le territoire (lotissements en labyrinthes, insuffisance ou absence systématique d’aménagements adaptés aux piétons/cyclistes dans les extensions urbaines récentes, zones industrielles enclavées…).
La proposition de création d’un « bus à haut niveau de service » semble, de prime abord, aller dans le bon sens en améliorant la desserte des territoires concernés. Toutefois, la transformation d’une voie ferrée en piste routière apporte à ce stade plus de questions que de réponses.
Un tram-train rejeté sur des bases incertaines
L’idée d’un tram-train est énoncée dans le dossier de concertation comme induisant obligatoirement une rupture de charge à Sathonay à cause de la saturation des voies ferrées. Cette solution est en outre présentée comme plus coûteuse. Ces affirmations sont à ce stade tout à fait incertaines.
Tout d’abord, il conviendrait de vérifier que la saturation des voies ferrées est et demeurera bien réelle dans les années à venir. En effet, à très brève échéance le système de signalisation va être changé entre Sathonay et la bifurcation de Saint-Clair dans le cadre du remplacement des installations de signalisation de la ligne TGV de Paris à Lyon. Les nouveaux équipements doivent offrir un débit nettement plus élevé que l’actuel. En outre, il est plus que probable que d’ici 2025-2030 aura été prise la décision de remplacer la signalisation du tronçon entre la bifurcation de Saint-Clair et la Guillotière par un système permettant, là aussi, un meilleur débit. De plus, la gare de la Part-Dieu a été conçue pour accueillir 16 voies en surface. À ce jour, elle n’en compte que 11 et une douzième (dite voie L) est en cours de construction. On voit donc que la saturation annoncée des voies annoncée par le document ne sera plus forcément une réalité à l’horizon de réalisation du projet. Toutefois, s’il faut éviter d’utiliser les voies du réseau ferré national, il existe des alternatives sur lesquelles nous reviendrons.
La question du surcoût d’une voie ferrée par rapport à une voie routière semble à ce stade des études une affirmation bien ambitieuse. En effet, la voie ferrée entre Sathonay et Trévoux compte d’après le dossier de concertation plus de 100 ouvrages d’art, dont 9 viaducs. Or le coût d’adaptation à une emprise routière de 9,5 mètres de large (selon le schéma de la page 22) des 9 viaducs (ou d’une partie de ceux-ci) et de la trentaine de ponts-route et de ponts-rails conçus actuellement pour une voie ferrée unique, n’est pas à ce stade évalué. Sachant que deux viaducs à tabliers métalliques à Fontaines-sur-Saône et Rochetaillée-sur-Saône, devront probablement être totalement reconstruits car inaptes, par leur conception, à supporter une chaussée routière.
La question de la desserte marchandises des zones industrielles
Depuis 2011 la ligne entre Sathonay et Trévoux est certes à l’abandon. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que cette infrastructure relie une grande zone industrielle à Neuville-sur-Saône et Genay au réseau ferré national. Alors que la circulation massive des camions démontre chaque jour plus sa nocivité pour l’environnement, que la préservation de l’environnement par le développement de transports moins polluants y compris pour les marchandises est une demande chaque jour plus pressante de la population et que certains circuits logistiques changent parfois rapidement, priver la zone industrielle précitée et les autres activités implantées à proximité de la voie des possibilités d’une desserte ferroviaire facile ne semble pas relever d’une vue prospective à long terme cohérente. Si certaines industries de la zone de Genay devait à nouveau être reliées au rail pour leurs processus de production, seraient-elles obligées de déménager ? Avec quelles conséquences sur leurs employés et l’attractivité du territoire ?
Un terminus lyonnais unique ?
Le projet envisage un terminus lyonnais unique à la Part-Dieu. Or la concentration progressive de tous les flux vers un lieu unique telle qu’elle se dessine est à la fois une source de fragilité, mais aussi de saturation. S’il est indéniable que la Part-Dieu est le principal centre attractif de l’agglomération, il ne faut pas le considérer comme l’unique porte d’entrée de cette agglomération. D’autres quartiers de Lyon sont aussi attractifs, comme la Presqu’Île et passer par la Part-Dieu pour les rejoindre peut constituer un détour très pénalisant. Une desserte permettant plusieurs terminus lyonnais semble donc à envisager.
Un enjeu impératif : l’intégration tarifaire
L’attractivité d’une desserte pour les utilisateurs repose sur deux paramètres essentiels : la fréquence et la simplicité d’usage. Si à l’intérieur de la métropole, dans nombre d’endroits les transports en commun répondent à ces deux attentes, il y a un point noir qui demeure : le refus d’intégration tarifaire entre les différentes autorités organisatrices de mobilité, pour ne pas dire parfois au sein du ressort d’une même autorité organisatrice. Ainsi, le SYTRAL (dont est d’ailleurs membre la région Auvergne-Rhône-Alpes) est actuellement incapable de proposer des tickets permettant d’emprunter successivement les réseaux qu’il administre. Tout juste propose-t-il pour les habitués des abonnements combinés. Et ne parlons pas de l’articulation de la tarification avec les trains relevant de la région ! Sera-t-il possible d’acheter un ticket unitaire permettant d’aller de Vénissieux à Trévoux en passant par le tramway T4 du réseau TCL puis la nouvelle ligne ? Pourra-t-on acheter aux automates dans les gares de la région et aux arrêts de la nouvelle ligne un ticket à l’unité permettant d’aller d’une gare TER quelconque à une des stations de la ligne ? Ou bien retombera-t-on une nouvelle fois dans les absurdités actuelles ?
Rappelons que depuis plus de quinze ans, l’agglomération grenobloise a fait l’intégration tarifaire dans son périmètre entre le réseau urbain et les TER et que l’agglomération lilloise est en train de faire de même de même que bien d’autres villes… Sans même parler des agglomérations des pays limitrophes, pour lesquelles l’intégration tarifaire est une réalité depuis des décennies.
Pourquoi pas un tramway express ?
En admettant que les voies ferrées lyonnaises soient réellement saturées et ne puissent accepter la desserte vers Trévoux entre Lyon-Part-Dieu et Sathonay, il est tout à fait possible d’envisager la création d’un tramway express, compatible avec une éventuelle desserte marchandises, pour peu que cela ait été prévu. Ce tramway express circulerait sur la voie ferrée reconstruite et électrifiée entre Sathonay et Trévoux avec des évitements disposés de façon à permettre une desserte robuste au quart d’heure. Au niveau de la gare de Sathonay, plusieurs options peuvent être envisagées, de la plus coûteuse que serait la création d’une station souterraine, jusqu’à un passage en surface pour rejoindre la voirie devant le bâtiment-voyageurs de la gare côté rue. L’objectif étant dans tous les cas, de desservir la gare puis de rejoindre la « Voie de la Dombes ».
Une fois la « Voie de la Dombes » rejointe, il y a plusieurs possibilités de tracés possibles dont toutes doivent s’adosser à une réflexion sur la desserte du plateau Nord (Caluire, Rillieux, la Croix-Rousse) par le Sytral.
La première, dans la logique d’un tramway express, serait de rejoindre et d’utiliser l’emplacement réservé n°58 défini dans le plan local d’urbanisme et de l’habitat de la Métropole de Lyon sur la commune de Caluire-et-Cuire. Cette solution relativement coûteuse, permettrait au tramway d’arriver par un tunnel directement sur la route de Genève au niveau du vallon des Peupliers, puis de rejoindre le pont Poincaré. Cette solution, pour autant que le Sytral articule une réflexion sur cette base, permettrait aussi d’envisager des dessertes express par tramway du secteur de Rillieux et des terrains maraîchers entre Caluire et Rillieux. Elle présente toutefois la faiblesse de ne pas desservir le nœud de correspondances qu’est la place Foch à Caluire.
La deuxième solution, plus urbaine devrait aussi s’inscrire dans une réflexion sur la desserte de l’ensemble du plateau Nord. Il s’agirait d’utiliser pour le tramway la « Voie de la Dombes » jusqu’à la place Foch à Caluire puis d’emprunter ensuite la montée des Soldats pour rejoindre le pont Poincaré. Notons que cette solution permettrait aussi facilement d’envisager de créer une branche de la ligne jusqu’à Cuire, ou mieux encore, la place de la Croix-Rousse en pacifiant au passage le boulevard des Canuts.
Enfin, une troisième solution serait de suivre la « Voie de la Dombes » jusqu’à Cuire, puis de passer par la montée de la Boucle et le pont Churchill. Cette solution permettrait de remettre en cause l’aspect autoroutier de la montée de la boucle et de la pacifier largement. Cette solution permettrait de même facilement la création d’une branche jusqu’à la place de la Croix-Rousse par le boulevard des Canuts.
Le tracé de la ligne sur la rive gauche du Rhône jusqu’à la Part-Dieu peut se faire de différentes façons, selon l’option choisie, et y compris par les itinéraires des trolleybus C1 ou C2, voir par un tracé totalement nouveau (par exemple par le boulevard de Stalingrad).
D’aucun peuvent opposer que la création d’un tramway express viendrait remettre en cause l’existence des lignes de trolleybus C1 et/ou C2 en vampirisant potentiellement une partie de leurs emprises et de leur chalandise. Toutefois, il convient de noter qu’à la date prévue de mise en service annoncée du projet (2025), ces lignes auront déjà fonctionné 14 ans, que certains de leurs véhicules atteindront alors quasiment vingt ans et seront en fin de vie. De plus, le poids de ces trolleybus ayant tendance à faire souffrir la chaussée, malgré les précautions constructives prises, des travaux de rénovation de voirie seront à prévoir. Réfléchir à la refonte de ces lignes et à leur évolution vers le tramway à cette échéance n’est donc pas dénué de sens.
Pour l’ensemble des raisons évoquées ci-dessus et en particulier l’absence de réflexion sur les futurs besoins en matière de transport de marchandises ainsi qu’à l’indispensable réduction de leurs impacts environnementaux, je suis opposé à la transformation de la ligne ferroviaire entre Sathonay et Trévoux en voie routière réservée (ou non) aux bus.