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Exposition Universelle, Internationale, Coloniale et ouvrière de Lyon 1894

Publié le 28-12-2013 à 19h50 (mis à jour le 01-09-2019 à 19h46.)

En 1894, se déroule à Lyon une exposition Universelle, Internationale, Coloniale et ouvrière. Cet événement marque le couronnement des travaux d’embellissement de la ville qui se sont succédés en à peine vingt ans. Ainsi, la ville a connu l’ouverture de l’avenue maréchal-de-Saxe, et du cours Gambetta, la construction ou la reconstruction des ponts Morand, Lafayette, et du Midi (actuel pont Gallieni), l’achèvement de l’Hôtel du département, de l’université, l’aménagement de la place des Terreaux avec la mise en place de la fontaine de Bartholdi, et l’érection de la tour métallique de Fourvière. Dans le même temps, les réseaux d’adduction d’eau et d’assainissement de la ville ont été considérablement développés.

Cette exposition s’est tenue sur la partie sud du parc de la Tête d’Or, autour du lac. L’édifice central est une coupole à structure métallique d’un diamètre de 242 mètres, et culminant à 55 mètres de hauteur. Des pavillons multiples étaient disséminés tout autour et occupaient une large partie du parc. Comme c’était quasiment toujours le cas dans les expositions universelles jusqu’au milieu du XXe siècle, les habitants des colonies (pour cette exposition, Algérie, Tunisie, Afrique noire, Indochine) étaient présentés au public européen comme des animaux au zoo, dans des habits et des scènes sensées reproduire leur mode de vie traditionnel.

L’exposition a été ouverte au public le 26 avril 1894. Son ouverture officielle a été assurée le 28 avril par Messieurs Dupuy, président de la chambre des députés, Perrier, président du conseil, et Gailleton, maire de Lyon. Cette exposition est restée dans l’histoire non pour ce qui y a été exposé, mais à cause de l’assassinat du président de la république Sadi Carnot le 24 juin 1894 devant la bourse de Lyon, alors qu’il participait aux cérémonies inaugurales. L’assassin était un anarchiste italien, Jeremio Santo Caserio. Cet assassinat a donné lieu à des violences xénophobes d’une rare intensité contre les ressortissants italiens vivant à Lyon.

Au final, l’exposition a attiré plus de 4 millions de personnes venues de toute l’Europe jusqu’à sa fermeture le 11 novembre. À cette époque où le réseau ferroviaire était le seul système de transport rapide, c’est sur lui que s’est appuyé la desserte de l’événement, tant pour les liaisons à longue distance qu’à l’intérieur de la ville de Lyon.

Pour la desserte de cet événement considérable la compagnie du PLM a tout d’abord créé un embranchement provisoire entre la ligne de Lyon à Genève et le parc, avec une gare provisoire. Cet embranchement dédié aux marchandises a permis l’acheminement des matériels exposés. Le PLM a surtout mis en circulation de nombreux « trains de plaisir » accessibles avec des tickets à tarif réduit couplés avec des billets d’accès à l’exposition depuis les grandes villes qu’il desservait. Il a aussi passé des accords avec plusieurs compagnies ferroviaires étrangères pour proposer des tarifs attractifs depuis un certain nombre de pays européens comme l’Italie, la Belgique, l’Angleterre, la Suisse et les Pays-Bas.

À l’intérieur de la ville de Lyon, l’OTL dont les tramways étaient alors tirés par des chevaux, a renforcé ses lignes, et en a créé d’autres à titre temporaire. La ligne de Perrache au parc (future ligne 4) a été en particulièrement renforcée. En outre, deux lignes temporaires ont été constituées en utilisant les raccordements du réseau :

  • De Perrache au parc par les rues Victor-Hugo et de la République, le pont et le cours Morand et l’avenue de Saxe ;
  • Des Cordeliers au parc par le pont Lafayette, et l’avenue de-Saxe.

Cependant, cette exposition s’est tenue dans l’effervescence de l’apparition des tramways électriques dont les installations se multipliaient alors de par le monde. L’exposition ne pouvait rester à l’écart de cette nouveauté, ou se limiter à présenter des modèles statiques. Ainsi, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’enceinte de l’exposition, ce sont pas moins de quatre types différents de tramways électriques qui ont circulé.

Le tramway électrique du pont Lafayette au parc

La ligne d’une longueur d’environ 1 500 mètres passait par les quais des Brotteaux (aujourd’hui du Général-Sarrail) et de l’Est (aujourd’hui de Serbie).

Ce tramway, conçu par Messieurs Claret et Vuilleumier, avait la particularité de posséder une alimentation par le sol au moyen de plots situés dans l’axe de la voie alimentés successivement à l’avancement du véhicule. La tension d’alimentation était de 500 volts.

Motrice n°10 du tramway système Claret et Vuilleumier

Motrice n°10 du tramway système Claret et Vuilleumier probablement photographiée sur les quais du Rhône. (Doc : Archives municipales de Lyon. Exposition de Lyon en 1894, Tome 1 : produits internationaux)

Monsieur A. Léger a fourni une description du dispositif d’alimentation dans le journal Le Salut Public :

Malgré les séductions de la traction électrique en France, on abordait jusqu’ici cette solution avec hésitation pour le service des tramways urbains ; les deux modes de transmission à choisir laissaient beaucoup à désirer ; les conducteurs aériens, quelque élégance qu’on cherchât à leur donner, ne satisfont guère l’esthétique ; quant aux conducteurs souterrains, sous une des files de rails, ils exigent des conditions particulières de bon entretien des chaussées, conditions qu’on n’a encore rencontrées qu’à Buda-Pesth.

On va essayer à Lyon, sur les quais de la rive gauche du Rhône, entre le pont Lafayette et le Parc, une nouvelle solution fort ingénieuse dont on peut souhaiter le succès. Entre les deux rails courants de la voie sont noyés à fleur de sol, dans un pavage en bois et du goudron, des coupons de rails à patins renversés, de 2m80 de longueur, espacés les uns des autres longitudinalement de 3 mètres. Ces semelles métalliques constituent des frotteurs chargés de transmettre de proche en proche le courant au véhicule à mesure que celui-ci passe à leur portée. Cette alimentation, cette électrisation successive des patins au seul moment utile est la partie la plus curieuse et la plus originale de l’installation nouvelle. À cet effet, le courant venant de l’usine centrale (établie à l’entrée du Parc) est amené par un câble unique disposé dans une canalisation souterraine parallèle à la voie ; ce câble dessert sur son parcours des appareils distributeurs logés dans de petits kiosques échelonnés à 110 mètres d’intervalle. Ces distributeurs sont des sortes de commutateurs formés d’un système de trois couronnes concentriques isolées, portant des bras ou manettes convenablement calés, qui peuvent parcourir un clavier circulaire de 18 plots en cuivre reliés chacun par un fil isolé avec une des 18 semelles de la section de 110 mètres. Lorsque la voiture passe en appuyant son curseur d’arrière sur la semelle 12, par exemple, le courant amené par le câble passe de la couronne centrale par sa manette sur le plot 12, suit un fil correspondant, se rend dans l’électro-moteur du tramway, puis passe par les roues dans les rails qui servent de fil de retour.

Mais, à mesure que la voiture avance, un autre curseur placé en avant va atteindre la semelle suivante 13; une partie du courant revient, dérivée par le fil 13, à une autre couronne et à un électroaimant du kiosque qui actionne un mouvement de déclenchement pour faire tourner les couronnes et les manettes d’un cran, le courant principal abandonne alors instantanément le plot, le fil et la semelle du groupe 12 pour se transporter à l’ensemble 13 ; et ainsi de suite, jusqu’à ce que la manœuvre passe automatiquement du dernier groupe 18 d’une section ou d’un kiosque au 1. du kiosque suivant. Le véhicule est toujours en communication avec la source d’électricité, le curseur ayant pris le contact avec la semelle 13 avant que’ celui d’arrière n’ait abandonné 12.

La même transmission se fait inversement pour le retour, par l’intermédiaire d’une autre des trois couronnes solidaires. Cet avancement d’un cran de la distribution électrique pour commander le passage du courant d’une semelle à la suivante et produire le cheminement du véhicule d’un bout à l’autre, est absolument remarquable et nous regrettons de ne pouvoir, faute de croquis, faire mieux apprécier le détail de cette création : elle fait le plus grand honneur à l’ingénieur électricien qui l’a conçue.

Il faut toute la docile instantanéité de la commande électrique pour n’avoir à craindre ni raté ni hésitation dans les 250 déclenchements de chaque voyage. Sur nos chaussées souvent humides, n’y aura-t-il pas de déperdition entre les semelles et les rails de retour ? Les contacts se feront-ils toujours exactement entre les semelles et les brosses curseurs, en dépit des boues, des poussières interposées ? C’est ce que l’expérience aura à élucider.

Au point de vue de la sécurité, il faut reconnaître que la tension des 500 volts du courant n’est pas bien dangereuse, et qu’au surplus la communication entre les semelles et les rails ne s’établit que dans la zone précisément couverte par la voiture, tous les autres tronçons en avant et en arrière étant isolés.

Schéma de branchement des distributeur système Claret et Vuilleumier

Schéma de branchement des distributeur système Claret et Vuilleumier. (Doc : Henry Martin. Production et distribution de l’énergie pour la traction électrique. Paris : Librairie Polytechnique Ch. Béranger, 1902. 760 p.)

Ce dispositif, qui n’est pas sans rappeler par certains aspects l’APS moderne, a été primé par un grand prix à l’exposition dans la classe Électricité et applications.

Les voies, ainsi que l’ensemble des installations ont été déposées dès la fin de l’exposition.

Le tramway Averly

Ce tramway a assuré la desserte de l’exposition tant à l’intérieur de l’enceinte que depuis la gare des Brotteaux. Il a été conçu et construit par Monsieur Averly à qui Lyon devait déjà le tramway électrique de Saint-Just à Sainte-Foy. Contrairement à ce dernier, il n’était pas alimenté par une ligne aérienne, mais par des accumulateurs. De plus, le caractère éphémère de la ligne a conduit à une installation relativement légère.

Motrice du tramway Averly

Motrice du tramway Averly photographiée sur le site de l’exposition devant le pavillon des compagnies houillères du bassin de la Loire. (Doc : Archives municipales de Lyon. Exposition de Lyon en 1894, Tome 1 : produits internationaux)

La voie partait de la gare des Brotteaux, puis empruntait le boulevard du Nord (actuel boulevard des Belges) avant de pénétrer dans le parc par la porte de la Tête d’Or. Elle faisait ensuite le tour du lac dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, avant de repartir vers la gare, sans avoir croisé l’autre sens de circulation. Cette conception en boucle permettant de faciliter l’exploitation.

Le dépôt où se trouvait aussi l’installation de production électrique et de rechargement occupait 600m2 et se situait à proximité de la coupole. Le système de production électrique était équipé d’une dynamo entraînée par deux machines à vapeur compound à deux cylindres. L’une de 70 chevaux, l’autre de 32 chevaux.

La voie était une voie Decauville de 60 centimètres munie de rail de 9,5 kilogrammes par mètre. La ligne atteignait une longueur de 3,5 kilomètres. Elle était exploitée par 12 tramways unidirectionels ouverts d’une capacité 40 places, dont 32 assises, de 8,40 mètres de long, d’une largeur de 2 mètres et ayant une masse totale en charge de 6 400 kilogrammes. Ils reposaient sur deux essieux articulés espacés de 3,60 mètres. Il étaient équipés d’un moteur disposant d’une puissance de 6 à 7 chevaux (4,4 à 5,1 kW). Les accumulateurs, de type Lauren Cély, construits par la Compagnie électrolytique des métaux, séparés en six cassettes, indépendantes, représentaient une masse totale de 1 500 kilogrammes. Ils étaient installés sous les quatre banquettes transversales doubles des voitures. Ils offraient une autonomie théorique d’environ 100 kilomètres, suffisante pour assurer de l’ordre 15 voyages entre chaque rechargement. L’accélération était assurée par un controller autorisant une mise en série progressive de 2, 3 puis 6 éléments d’accumulateurs permettant d’obtenir aux bornes du moteur une tension de 30, 50 ou 100 volts. Le freinage était à main. Toutefois, pour les situations d’urgence, il existait un cran de freinage rhéostatique. Le rechargement des accumulateurs se faisait au dépôt par échange des cassettes. La durée de charge était de 6 heures. Elle s’effectuait sous une tension de 160 Volts.

Les voies ainsi que l’ensemble des équipements ont été déposées à la fin de l’exposition. Au moins 8 des tramways, ainsi que le dispositif de chargement des accumulateurs et probablement une partie des voies ont été rachetés par la Compagnie du tramway électrique Nice-Cimiez. Le passage de la plaine des quartiers lyonnais en rive gauche du Rhône à la colline niçoise a été agité. Malgré la mise en place d’un second moteur puis leur remplacement par des modèles plus puissants, les accumulateurs très lourds et d’un capacité insuffisante ne permettent pas d’assurer un service fiable sur cette courte ligne de montagne comportant des rampes de 60‰. Après une mise en service chaotique en 1895, les tramways à accumulateurs circulent jusqu’en 1998-1899. À compter du 13 janvier 1900, la ligne, mise à voie métrique est la première alimentée par une ligne aérienne dans l’agglomération niçoise. Les tramways à accumulateur ont probablement été feraillés à ce moment-là.

Tramway du Creusot

Ce tramway conçu par Monsieur Lombard-Gerin a circulé dans l’enceinte de l’exposition, sur 300 mètres environ entre les palais de Tunisie et du Tonkin. Il s’agissait d’un tramway alimenté en courant alternatif (probablement à une fréquence de l’ordre de 25 Hertz) à haute tension (probablement 1 000 à 2 000 V) par une ligne aérienne.

Les voies ainsi que l’ensemble des équipements ont été déposées à la fin de l’exposition.

Tramway Fives-Lille

Ce tramway installé sur une voie de 20 mètres de long sous la coupole était alimenté en courant alternatif polyphasé. Il a effectué des allers-retours de démonstration sans prendre de passagers.

Les voies ainsi que l’ensemble des équipements ont été déposées à la fin de l’exposition.

Bibliographie : Bulletin officiel de l’exposition de Lyon, universelle, internationale et coloniale en 1894. 1ère année, n°36. 1893.
Bulletin officiel de l’exposition de Lyon, universelle, internationale et coloniale en 1894. 2e année, n°19, 37, 41, 42, 43, 46. 1894.