Publié le 04-10-2007 à 18h53 (mis à jour le 28-10-2007 à 10h14.)
Un projet est en train de mûrir dans l’agglomération, il s’agit de la construction d’un stade entouré d’un complexe commercial sur 50 hectares de terrain actuellement agricoles sur la commune de Décines-Charpieu. Ce dessein dit OL-Land est porté par les dirigeants du club de football (privé) Olympique Lyonnais. Il ne devrait pas en lui-même faire appel à des financements publics. Le stade en comptera 60 000 places. Le complexe commercial s’étendra sur une surface de 30 000 m2 auquel s’ajouteront 2 hôtels, des bureaux et le siège social du club de football Olympique Lyonnais. Le coût de cet ensemble avoisinerait les 300 millions d’euros.
Ce projet, bien qu’il soit porté par des intérêts privés, va avoir un impact sur les politiques publiques de l’agglomération tant dans le domaine de l’urbanisme que des transports. Or si l’opportunité de ce nouvel équipement est largement débattue, l’aspect des conséquences urbanistiques reste largement occulté, alors qu’il est essentiel.
En effet, que l’on soit pour ou contre un stade géant à Décines, c’est-à-dire loin du centre de l’agglomération (environ 10 kilomètres de la place Bellecour), il faut bien avoir conscience des effets structurants de l’arrivée d’un tel équipement. Cet ensemble va créer un pôle très attractif sur l’agglomération. Or il existe à proximité de nombreux terrains agricoles. La pression foncière sur ceux-ci va être très forte et va inciter mécaniquement les paysans ou les propriétaires terriens à valoriser leur patrimoine, en vendant les terres à des investisseurs ayant pour but de construire. La collectivité publique va rapidement se retrouver confrontée à des projets urbains proposés par des promoteurs divers et variés. Elle doit donc anticiper cet effet en menant dès maintenant une réflexion sur le devenir et l’évolution des espaces agricoles dans le secteur. Elle doit aussi dès maintenant fixer les grandes lignes de l’urbanisation qu’elle souhaite (de préférence dense et compacte, économe en espace naturel et agricole, si l’on souhaite parler d’écologie et de préservation de l’environnement) Toutes les collectivités territoriales doivent aussi se pencher sur la desserte du secteur par les réseaux de transport.
Or pour l’instant, aucune réflexion, que ce soit dans le domaine de l’urbanisme ou des transports ne semble émerger, que ce soit de la communauté urbaine (Grand Lyon) compétente pour l’urbanisme, du SyTRAL ou de la région Rhône-Alpes pour les transports en commun, ou même du département du Rhône pour le réseau routier. Tout se passe comme si le projet était autonome et replié sur lui-même. Tout juste le Grand Lyon promet-il 65 à 80 millions d’euros pour l’aménagement des infrastructures d’accès, ce qui ne permet pas d’envisager d’infrastructures nouvelles, mais juste un renforcement de l’existant.
Or les besoins uniquement du projet sont clairement sous-estimés, avec un parking de 7 000 places. Même en comptant que chaque voiture sera occupée en moyenne par 3 personne (très bon remplissage), ce parking n’apporter « que » 21 000 spectateurs. Sachant d’ailleurs que la rocade Est a actuellement une capacité totale de 8 000 véhicule par heure, on peut tabler sur de sérieux embouteillages pendant environ 2h avant et après chaque match… À condition que les mouvements de supporters n’aient pas lieu pendant les heures de pointe de retour du travail. Il faut ajouter à ça la ligne de tram à proximité (T3) dont la capacité de transport est de l’ordre de 20 000 personnes par heure. Comme une heure après le match est un délai raisonnable à ne pas trop dépasser pour faire monter les utilisateurs du stade dans les transports en commun, le tram ne peut donc transporter au maximum que 20 000 personnes vers le stade. Ajouté aux 21000 venues en voiture, on arrive à un total de 41 000 spectateurs… Quid des 19 000 manquants pour remplir le stade ? Ils viendront à pied depuis chez eux ? Pour pallier à ces questions, les promoteurs du projet prévoient des parkings « délocalisés », reliés au stade par des transports en commun en site propre, et la création d’un boulevard dit LY6. Outre l’absurdité d’implanter fort loin du stade des parkings, alors que la place existe à côté, ces infrastructures nouvelles vont venir couper les espaces agricoles existants, les fragilisant et encourageant leur urbanisation en tache d’huile. Bref, cette solution de parkings déportés cumule tous les défauts possibles sur le plan de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, sans pour autant régler les problèmes d’écoulement du trafic, mais plutôt en les multipliant à plusieurs endroits. Autant créer directement un grand parking de 18 000 places aux abords du stade (soit une surface d’une cinquantaine d’hectares)
On voit donc qu’un stade de cette taille nécessite, de par les pointes de trafic qu’il génère, des infrastructures de transport puissantes, de type métro ou RER. Or son usage par essence épisodique (estimation optimiste : 90 jours par an) ne peut permettre les justifier économiquement seul. Pour rappel, le prolongement du métro A à La Soie a coûté 53 millions d’euros pour une longueur inférieure à 1 kilomètre et une station à construire. Apporter le métro à Décines, cela serait au minimum 10 fois cette somme (soit pas loin de 2 fois le prix du l’OL-Land, ou 8 fois les sommes annoncées pour le moment par le Grand Lyon pour sa desserte)… Et ne parlons pas du coût d’une installation de type RER. Ces infrastructures de transport lourdes ne pourraient donc se justifier que dans le cadre d’un développement urbain important à proximité… Et l’on en revient là à la nécessité d’une réflexion globale Pour savoir quel développement on veut pour ce secteur de l’agglomération.
Si l’on fait un grand stade à Décines, il faut accepter d’urbaniser autour de ce pôle d’attraction. Si on ne veut pas urbaniser autour, alors il ne faut pas faire le stade là, parce que les infrastructures de transport nécessaires à son seul usage seront une dépense excessive au regard des besoins réels. Sachant qu’inéluctablement, si l’on créait malgré tout ces infrastructures, sans plan d’urbanisation d’ensemble, elles ne pourraient que favoriser une croissance anarchique de la ville sur tout le périmètre compris entre le canal de Jonage et l’autoroute A43. Il s’agit là de choix strictement politiques (au sens propre du terme) Il n’y a pas dans ce cas de vérité absolue, car il s’agit de définir comment et où l’on veut l’agglomération se développe et aussi de quels moyens on est prêt à investir pour ce développement. La pire erreur serait de ne pas réfléchir à l’avenir de ce secteur et aux questions qu’il pose en terme de déplacement et de consommation de l’espace.
Ce projet de grand stade, s’il aboutit, a donc toutes les chances de façonner durablement la partie Est de l’agglomération… Les élus auront-il la volonté de concevoir un nouveau morceau de ville cohérent – aussi bien sur le plan urbain que des dessertes – autour de ce nouveau pôle… Bref, sauront-il dessiner ce qui va entourer le stade et le relier au reste de l’agglomération ?
Bibliographie : Site web dédié de l’OL (http://ol-land.olympiquelyonnais.com/ fermé).
Édition du 28 octobre : En raison d’un emploi du temps trop chargé, il n’y aura pas d’édito au mois de novembre. Pour me faire pardonner ;o) j’ai mis en ligne une version revue et corrigée de l’article sur le prolongement de la ligne C du métro de Croix-Rousse à Cuire, ainsi qu’un descriptif technique de l’infrastructure de la ligne.